Comprendre les enjeux liés à la surpêche des requins

Publié le 19 Avr, 2019

La réunion de la Cites CP18 le 23 mai prochain à Colombo et le vote de la France sont cruciaux ! Le mois dernier sortait dans la presse une nouvelle évaluation de l’état de conservation des requins. Nous apprenions alors que 17 des 58 espèces étudiées sont désormais classées à risque d’extinction par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Un chiffe alarmant, néanmoins « pas surprenant », pour Nicholas Duvy, co-président du Groupe d’experts requins de l’UICN et professeur à l’université Simon Fraser (Canada).

 

En cause notamment, la surpêche, empêchant aux requins ayant une croissance lente d’arriver à maturité sexuelle. Mais aussi les nombreuses prises accessoires et fantômes. Un problème ayant, comme conséquence, la baisse des populations et qui n’offre aucun profit économique. La chair des espèces attrapées n’est également pas consommée puisque la plupart de ces prises accidentelles sont souvent rejetées à la mer, mortes ou mourantes.

Prises accessoires, conséquences majeures

Cette expression de « prises accessoires » désigne en fait la capture d’espèces non ciblées. Un problème dû en grande partie au manque de sélectivité des méthodes de pêche moderne. Parmi elles, de nombreuses tortues, dauphins … et aussi des requins.

Selon la FAO, Food & Agriculture Organisation (l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), les prises accessoires pourraient représenter 1/3 des captures mondiales.

Autrement dit, l’estimation oscille entre 17,9 millions et 39,5 millions, en moyenne 27 millions de tonnes sur 94 millions de tonnes de poissons pêchés par an. La contrainte de recensement de ces prises, appliquée aux thoniers, a permis aux scientifiques d’avoir une idée plus précise depuis une dizaine d’années.

Autre problématique, les prises fantômes. Ces dernières sont en fait des captures de poissons par des objets abandonnés ou jetés en mer, par accident ou non (cordages, morceaux de filets, nasses, casiers d’élevages…). Ils deviennent alors, même après leur utilisation première, des pièges mortels. Pour donner un exemple concret, prenons le chalut. Méthode de pêche la plus utilisée au monde.

De trop nombreuses prises accessoires

Il en existe 3 types : le chalut pélagique, pour les poissons en pleine eau; le chalut de fond, visant les espèces évoluant, comme son nom l’indique, à proximité de fond; et le chalut à perche. Ce dernier cible les poissons plats, crevettes grises… (de nouvelles méthodes sont à l’essais pour réduire son impact). Selon l’IFREMER ( Institut Français de Recherche par l’Exploitation de la Mer), le premier type annoncé plus haut entraîne une capture accidentelle des cétacés (des études sont en cours pour développer des dispositifs acoustiques ou mécaniques  pour réduire les captures). Le second, engendre lui un manque de sélectivité dans les espèces capturées (sans compter la détérioration des habitats et des organismes posés sur le fond). Enfin, le dernier a un très fort impact sur les fonds marins en raison de son poids et du réseau des chaînes. Il est également faiblement sélectif, notamment à l’égard des juvéniles.

Des propositions de solutions

Comme énoncé plus tôt, certaines études sont en cours pour essayer de limiter l’impact important et problématique de ces prises. Des organismes proposent également des solutions et des guides  à destination des professionnels, aussi visibles comme outils de compréhension par le grand public. Par exemple, la WWF (World Wildlife Fund : Fondation pour le monde de la vie sauvage), a travaillé sur la mise en place d’un filet TED (Turtle Excluder Device) sur les chalutiers de crevettes tropicales, avec le CRPEM (Comité Régional des Pêches Maritimes et des Élevages Marins) de Guyane.

Ce dispositif est composé d’une grille installée dans la partie étroite d’un chalut qui permet de libérer les tortues marines (ainsi que d’autres grandes espèces marines et objets), par une trappe de sortie tout en retenant et en améliorant la qualité des crevettes pêchées. L’efficacité en a été prouvée. Comme on peut le lire sur le site internet de la WWF, un chalut équipé d’un TED correctement utilisé évite de capturer près de 97% de tortues marines dans la pêche à la crevette tropicale.

La FAO a, de son côté, édité en 2019 un « Guide pour la réduction des prises accessoires dans la pêche au chalut des crevettes tropicales ». Ce dernier est disponible à la lecture en ligne. On y trouve notamment les « types de requins et de raies rencontrés » par les pêcheurs. Tous sont inscrits sur la liste rouge de l’UICN : le Requin baleine (Rhincodon typus); la Raie Manta Géante (Manta birostris); le Diable de mer (Mobula mobular); le Requin marteau halicorne (Sphyrna lewini; le Requin soyeux (Carcharhinus falciformis); le Requin océanique (Carcharhinus longimanus). On retrouve également le requin Mako ou requin-taupe bleu (Isurus oxyrinchus).

Des mesures légales nécessaires pour la protection des espèces

La Convention on International Trade of Endengered Species (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction), ou Convention de Washington est entrée en vigueur le 1er juillet 1975.

Cette dernière est un accord intergouvernemental veillant à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.

Ainsi, la CITES contrôle et règlemente le commerce international de ces spécimens, inscrits à ses Annexes selon le degré de protection nécessaire. Elles sont au nombre de trois. La première concerne les espèces menacées d’extinction. Le commerce international en est donc prohibé, sauf si l’importation n’est pas faite à des fins commerciales. Par exemple, cela est permis si l’objectif est scientifique. Dans cette situation, à titre exceptionnel, les transactions ont lieu à condition d’être autorisées par la délivrance d’un permis d’importation et d’exportation (ou d’un certificat de réexportation).

La seconde, concerne des espèces qui ne sont pas forcément actuellement menacées d’extinction mais qui pourraient le devenir si le commerce n’en était pas contrôlé. Dans celle-ci, on dénombre ce qui est qualifié « d’espèces semblables ». Autrement dit, celles dont les spécimens commercialisés ressemblent à ceux d’espèces inscrites à des fins conservatrices. Le commerce international des inscrits à l’Annexe II peut être autorisé et doit être couvert par un permis d’exportation ou un certificat de ré-exportation. Les autorités délivrant ces permis ne doivent le faire que si les conditions établies sont remplies et si elles ont l’assurance que cela ne nuira pas à la survie de l’espèce dans la nature.

L’Annexe III, vise les espèces déjà inscrites à la demande d’une Partie qui en règlemente déjà le commerce et qui a besoin de la coopération des autres Parties pour en empêcher l’exploitation illégale ou non durable. Le commerce international des spécimens des espèces inscrites n’est autorisé que sur présentation des permis ou certificats préalablement délivrés.

Proposition d’amendement du requin mako (Isurus oxynchirus) et du petit requin taupe (Isurus paucus) à la COP18

C’est au Centre international des conférences du Bandaranaike Memorial, à Colombo (capitale du Sri Lanka), que se tiendra le COP18 de la CITES.

Les 183 Parties (182 pays plus l’Union Européenne), répondront présentes. Une dix-huitième session qui pourrait bien devenir la plus importante dans l’histoire de la CITES. Le nombre de points à l’ordre du jour a progressé de 20%. En effet, ce ne sont pas moins de 57 propositions d’inscriptions (un record) et 107 documents de travail qui seront présentés.

Parmi les propositions cette année : le commerce des espèces de requin taupe bleue ou requin mako (Isurus oxyrinchus) et le petit requin taupe (Isurus paucus).
En effet, cet amendement inclut le petit requin taupe car, comme spécifié dans les critères d’admissibilité :

«Les spécimens de l’espèce sont commercialisés sous une forme qui les fait se ressembler à des spécimens d’ une espèce inscrite à l’Annexe II».

Cette proposition est absolument nécessaire et majeure dans l’Atlantique et en Méditerranée. Ainsi, les mesures de protection pour les requins et raies dans les Organisations Régionales de Gestion des Pêches (ORGP) spécifiques progresseraient.

Cette espèce remplit les critères d’inscription de l’Annexe II car le commerce international de viande et d’ailerons de l’espèce représente un moteur important des pêcheries non durables et majoritairement non contrôlées. Ces dernières ont provoqué un déclin de populations dans tous les océans du monde.

Et les chiffres font froid dans le dos : la population du requin-taupe bleu s’est épuisée dans le monde entier avec un déclin de 60% dans l’Atlantique sur 75 ans.

MH.


 

Bycatch, major consequences

Last month, the press released a new assessment of the conservation status of sharks. We learned that 17 of the 58 species studied are now classified at risk of extinction by the IUCN (International Union for the Conservation of Nature). An alarming, yet « not surprising » figure for Nicholas Duvy, co-chair of the IUCN Shark Specialist Group and Canada Research Chair tier II in Marine Biodiversity and Conservation at Simon Fraser University. In particular, overfishing, which is preventing sharks with slow growth to reach sexual maturity. But also the bycatch and ghosts fishing. A problem resulting in the decline of populations and which offers no economic benefit. The flesh of the species caught is also not consumed since most of these bycatch are often discarded, dead or dying.

Too many bycatch

This term « bycatch » refers to the capture of non-target species. A problem largely due to the lack of selectivity of modern fishing methods. Among them, many turtles, dolphins … and also sharks. According to the Food and Agriculture Organization (FAO), bycatch may account for 1/3 of the global catch. In other words, the estimate ranges from 17.9 million to 39.5 million, averaging 27 million tonnes out of 94 million tonnes of fish caught per year. The constraint of census of these catches, applied to the tuna boats, allowed the scientists to have a more precise idea since about ten years. Another problem is the ghost fishing. Which is the fact that fishes are trapped by objects abandoned or thrown into the sea, by accident or not (ropes, pieces of nets, traps, traps of breeding …). They become, after their first use, deadly objects. To give a concrete example, let’s take the trawl. The most used fishing method in the world. There are 3 types: the pelagic trawl, for fish in open water; the bottom trawl, targeting species evolving, as the name suggests, close to bottom; and the beam trawl. The latter targets flatfish, shrimps … (new methods are being tested to reduce its impact). According to IFREMER (French Institute for Research into the Exploitation of the Sea), the first type announced above entails an accidental capture of cetaceans (studies are underway to develop acoustic or mechanical devices to reduce catches). The second, it causes a lack of selectivity in the species caught (not to mention the deterioration of habitats and organisms placed on the bottom). Finally, the latter has a very strong impact on the seabed because of its weight and the network of channels. It is also weakly selective, especially with regard to juveniles.

Proposed solutions

As stated earlier, some studies are underway to try to limit the significant and problematic impact of these catches. Organizations also offer solutions and guides for professionals, also visible as tools of understanding by the general public. For example, the WWF (World Wildlife Fund), worked on the implementation of a TED (Turtle Excluder Device) net on tropical shrimp trawlers, with the CRPEM (Regional Committee) Maritime Fisheries and Marine Farms) of French Guiana. This device is composed of a grid installed in the narrow part of a trawl which allows to release sea turtles (as well as other large marine species and objects), by an exit hatch while retaining and improving the quality shrimp caught. The effectiveness has been proven. As can be read on the WWF website, a trawl with a properly used TED avoids catching nearly 97% of marine turtles in the tropical shrimp fishery. In 2019, FAO published a « Guide for the Reduction of Bycatch in Trawl Fishing for Tropical Shrimp ». The latter is available for reading online. It includes the « types of sharks and rays encountered » by fishermen. All are on the IUCN Red List: the Whale Shark (Rhincodon typus); the Giant Manta Ray (Manta birostris); the Sea Devil (Mobula mobular); Scalloped Hammerhead shark (Sphyrna lewini), Silky Shark (Carcharhinus falciformis), Oceanic whitetip shark (Carcharhinus longimanus), and Mako shark or Shortfin mako shark (Isurus oxyrinchus).

Legal measures necessary for the protection of species

The Convention on the International Trade of Endangered Species (Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora), or the Washington Convention, entered into force on 1 July 1975. The latter is an intergovernmental agreement ensuring that international trade in specimens of wild animals and plants does not threaten the survival of the species to which they belong. Thus, CITES controls and regulates the international trade of these specimens, listed in its Appendices according to the degree of protection required. They are three in number. The first concerns species threatened with extinction. International trade is therefore prohibited unless the importation is not for commercial purposes. For example, this is allowed if the goal is scientific. In this situation, on an exceptional basis, the transactions take place on the condition that they are authorized by the issuance of an import and export permit (or a re-export certificate). The second concerns species that are not necessarily currently threatened with extinction but that could become so if the trade was not controlled. In this one are includes « look-alike species ». In other words, those whose commercialized specimens resemble those of species listed for conservative purposes. International trade in Appendix-II registrations may be authorized and must be covered by an export permit or a re-export certificate. Authorities issuing these permits should do so only if the established conditions are met and if they are satisfied that this will not affect the survival of the species in the wild. Appendix-III covers species already listed at the request of a Party that already regulates trade and needs the cooperation of other Parties to prevent its illegal or unsustainable exploitation. International trade in specimens of listed species is permitted only on presentation of previously issued permits or certificates.

Proposal to amend the mako shark (Isurus oxynchirus) and the small porbeagle shark (Isurus paucus) at COP18

The International Conference Center of the Bandaranaike Memorial in Colombo (capital of Sri Lanka) will host the CITES COP18. The 183 Parties (182 countries plus the European Union) will respond. An eighteenth session that could become the most important in the history of CITES. The number of items on the agenda has increased by 20%. Indeed, no less than 57 nominations (a record) and 107 working papers will be presented. Among the proposals this year are the trade in shortfin mako shark or mako shark (Isurus oxyrinchus) species and the small porbeagle shark (Isurus paucus). Indeed, this amendment includes the small porbeagle shark because, as specified in the eligibility criteria: « Specimens of the species are marketed in a form that makes them similar to specimens of a species listed in the Appendix-II ». This proposal is absolutely necessary and major in the Atlantic and the Mediterranean. Thus, protection measures for sharks and rays in specific Regional Fisheries Management Organizations (RFMOs) would progress. This species meets the listing criteria of Appendix-II because international meat and fin trade is an important driver of unsustainable and largely uncontrolled fisheries. The latter caused a decline in populations in all the oceans of the world. And the numbers are cold: the porbeagle population has been depleted around the world with a 60% decline in the Atlantic over 75 years.

MH.

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