Vous connaissiez le plongeur explorateur, l’homme de télévision, de presse, l’écrivain… mais Francis Le Guen exprime à présent pleinement sa fibre artistique en proposant ses œuvres, inspirées des océans et des requins, en vente directe :
www.blog.francis-leguen.com/
De l’art algorithmique issu de ses recherches et explorations du monde fascinant des fractales en 3D et qui rencontre un franc succès…
SMF : Plongeur et également artiste ? C’est moins connu…
Oui ! Renouant avec la tradition artistique de la famille (mes parents et grands parents étaient peintres) je propose désormais mes visions fractales comme tableaux, imprimés en haute définition sur le magnifique support Alu Dibond et livrés en colis sécurisés chez les amateurs. Chaque tableau est tiré en série limitée de 12 avec certificat d’authenticité.
SMF : Vous avez décliné une nouvelle collection Ichtyos, présentant des fractales dédiées à différentes espèces de requins. Comment vous est venue cette idée ?
Les fractales sont partout autour de nous, en nous… Dans les nuages, le corail, les alcyonaires, et bien sûr la forme des requins, leur sillage…
Je m’efforce de comprendre la nature dans ses dimensions fractales et bien souvent, sur le terrain, en plongée, un détail attire mon attention qui deviendra plus tard une illustration. A l’inverse, le logiciel accouche parfois de «visions» ou l’on comprend d’un seul regard tel ou tel aspect fractal de la nature, un ordre caché derrière les apparences…
En ce qui concerne les requins, à vrai dire, j’ai répondu à la demande insistante d’une protectrice des requins qui appréciait mes fractales mais voulait que je les « squalifie ». Et je me suis dit, après tout, pourquoi pas ? Depuis, je me suis pris au jeu.
SMF : Est-ce une manière pour vous de participer à une meilleure appréciation des requins par le public ?
Je crois que toute initiative pour « dédramatiser » les requins est utile tant leur image reste mauvaise. Alors, par le biais de l’art, pourquoi pas ?
SMF : Vous semble-t-il qu’il y ait un regain d’intérêt pour les requins ?
Incontestablement, notre regard à changé. Mais cela ne concerne hélas qu’une petite frange de la population. On le voit très bien avec les affaires de La Réunion ou de l’Australie…
SMF : Le public semble-t-il plus intéressé aujourd’hui à l’urgente sauvegarde de ces Top prédateurs des mers et océans, selon vous ?
Franchement, je n’en suis pas convaincu. Dans les paroles, sans doute, mais dans les actes… La route est encore longue…
SMF : Allez-vous continuer à produire des fractales avec d’autres espèces de requins ?
Je vais continuer d’enrichir cette galerie, en effet. Les requins sont une puissante source d’inspiration…
http://www.blog.francis-
SMF : Comment vous est venue l’idée de vous intéresser à l’art algorithmique ?
J’ai toujours exploré. Sous terre, sous l’eau… J’ai pratiqué pendant une vingtaine d’années au plus haut niveau la plongée sous-marine et spéléologique, découvrant des mondes fabuleux. Ce fut un déclic : il fallait que je montre, que je témoigne, que je partage. D’abord par le biais de la photo puis du film. J’ai toujours gardé ce gout de l’exploration, «en vrai» sur le terrain, en voyage, où dans les mondes virtuels…
SMF : Que sont les fractales ?
Ce sont au départ des équations découvertes par Benoît Mandelbrot et d’autres mathématiciens qui régissent la «théorie du chaos» et quantité de phénomènes naturels. En transformant ces valeurs numériques en points dans l’espace on obtient des représentations visuelles étonnantes dans lesquelles on retrouve le motif principal à n’importe quelle échelle.
SMF : Vous travaillez maintenant avec des fractales en 3D ?
Oui, les «Mandelbulbs» (qu’on ferait mieux de rebaptiser mandelboules, mandelsphères ou mandelbulles)… Découvertes il y a à peine deux ans, elles sont les représentations en 3D de l’ensemble de Mandelbrot. Mais, plus important : une nouvelle génération de logiciels à vu le jour, la plupart issus du monde libre, avec lesquels il est possible de combiner diverses fractales entre elles et de les explorer «en profondeur». C’est un trip !
SMF : Vous voulez reproduire la nature ?
Non, le but n’est pas de reproduire la réalité (le graal de la 3D «photoréaliste») mais plutôt de créer de nouveaux univers «parallèles», avec d’autres règles «organiques». Le champ des possibles est démesuré : on navigue dans des univers à 4, 5 dimensions… Cela donne le vertige ! Le plus troublant est qu’il suffit de varier un tant soit peu les paramètres initiaux pour bouleverser complètement l’apparence du monde créé. Un «effet papillon» avec une grande part d’aléatoire, comme dans le monde réel où il est impossible de prévoir exactement le temps qu’il fera dans 8 jours…
SMF : C’est donc le logiciel qui décide ?
C’est un débat sans fin : oui et non ! Oui parce que c’est le logiciel qui génère la représentation, avec parfois de «fortes suggestions». Non, parce que tout l’art consiste justement à essayer d’orienter le chaos. Vu la complexité des outils, cela revient à apprendre à sculpter de l’eau… Mais au final, ce n’est pas l’outil qui fait l’image mais bien celui qui le tient. Tout ma démarche artistique consiste aujourd’hui à proposer des images fortement inspirées de mes voyages sous l’eau, sous terre, sous la glace, à la rencontre d’animaux étranges et de paysages oniriques…
SMF : Quel est le processus de création ?
Il faut penser le monde fractal comme un espace multidimensionnel dans lequel on va choisir un «point de vue» et isoler un «moment». Dès lors, après exploration sommaire, on peut décider de «tirer une photo» en 2D, exporter un modèle en 3D, ou enregistrer une animation en 4D, tout ce qui précède n’étant que des «projections» de mondes à dimensions supérieures. Le même investissement temps est nécessaire pour obtenir une image fixe ou un film…
Tout commence par l’idée générale de la scène et de l’ambiance. En fonction de ce qu’on veut obtenir, on combine alors diverses variations et on obtient un «monde». Qu’il faut affiner par toute une quirielle de réglages pour affiner la «géométrie». Vient ensuite l’exploration. On navigue au sens propre à l’intérieur de la fractale (temps réel Open GL…) pour en apprécier les possibilités, corriger des aspects, générer des variations. En tenant compte (ou pas) des éléments fondamentaux issus de l’observation de la nature. Ensuite, c’est un travail de photographe ou de réalisateur : choisir l’angle, la focale, la profondeur de champ, régler les éclairages, les ombres, les effets, les mouvements de caméra… Puis vient l’étape finale du rendu.
Chaque scène peut demander des jours de mise au point… Le piège : comme souvent en 3D, ce n’est jamais fini ! Mais, si détaillé soit il, le monde 3D a ses limites, il en va tout autrement des fractales, infinies. C’est à dire que le niveau de détails augmente quand on s’approche : de nouveaux mondes apparaissent sans cesse ! Il faut savoir s’arrêter.
SMF : Avez-vous d’autres projets, une autre déclinaison artistique dédiée aux requins ?
J’ai décidé de constituer une exposition itinérante sur ce thème avec quelques visuels forts. Et continue mes explorations, notamment dans l’animation fractale. A terme : la réalisation d’un film « pas comme les autres » 🙂
Et toujours la création de nouveaux mondes : dans la mesure ou l’on obtient des niveaux de détails en principe infini, je suis tenté par la création de panneaux de très grande taille, aux limites des possibilités de calcul et d’impression actuelles. S’approcher d’une fractale de plusieurs m2 doit être une expérience intéressante… Je cherche d’ailleurs des partenaires pour ce projet.
Magnifique !