J’ai déjà mentionné dans un article précédent que ces dernières années les rencontres avec des requins blancs (Carcharodon carcharias) dans les eaux du Cap occidental, en Afrique du Sud, sont devenues massivement plus rares. Ceci est particulièrement inquiétant si l’on considère que jusqu’à il y a dix ans, la région en question était probablement la région du monde où les grands requins blancs étaient le plus abondants.
La diminution a été observée sur les trois sites de plus grande présence de l’espèce: False Bay, Gansbaai et Mossel Bay, et plus prononcée sur les deux premiers sites, qui sont également ceux où les plus gros spécimens étaient normalement observés. Nous avons déjà expliqué que la thèse présentée par les médias selon laquelle cette diminution est imputable à deux orques qui fréquentent la région est sans fondement. En revanche, nous avions déjà observé une diminution des requins blancs dans les années précédant l’apparition des deux cétacés; la situation que nous observons actuellement n’est autre que la continuation d’un phénomène qui a évidemment d’autres causes, en plus bien connues, et toutes engendrées par l’homme.
De nos jours, le grand requin blanc est une espèce protégée dans de nombreux pays, ce qui constitue sans aucun doute un changement considérable si l’on considère que jusque aux années 1980, il était acceptée et même encouragée presque partout de tuer ces animaux. La première nation au monde à déclarer le requin blanc une espèce protégée a été l’Afrique du Sud, il y a trente ans. En fait, en 1991, l’Afrique du Sud a non seulement rendu illégal de capturer et de tuer les requins blancs, mais aussi de vendre l’une de leurs parties (dents, mâchoires ou autres). Le fait que cette espèce, grâce à la plongée en cage, soit un objet d’intérêt pour l’industrie du tourisme, et par conséquent une source de richesse pour la nation, a sans aucun doute été un élément clé pour assurer sa protection, conséquence logique du simple concept qu’un requin blanc vivant génère énormément plus d’argent qu’un mort. Apparemment, le statut d’espèce protégée était au départ suffisant pour maintenir la population locale en bonne santé. Cependant, ce n’était qu’une impression temporaire. En fait, dans l’espace de trente ans, la population humaine a inévitablement augmenté non seulement au niveau mondial mais aussi localement, et l’Afrique du Sud ne fait pas exception. Avec l’augmentation de la population de notre espèce suit logiquement l’augmentation de l’exploitation des ressources naturelles.
Alors que les bateaux de pêche ont parcouru les eaux locales, les rendant de plus en plus pauvres en espèces les plus intéressantes pour un usage commercial, l’intérêt des pêcheurs pour des espèces telles que les requins, autrefois considérées comme peu intéressantes, s’est accru. Les requins sont donc capturés à la fois au cours d’activités de pêche visant les requins eux-mêmes, et tués accidentellement lors de pêches visant d’autres espèces (pensez notamment aux palangres, lignes de plusieurs dizaines de kilomètres de long et armées de plusieurs centaines d’hameçons utilisés notamment pour la pêche au thon). Bien que le requin blanc soit une espèce protégée sur papier, il est évident que rien ne le protège d’une capture accidentelle dans des activités de pêche jugées parfaitement légales. A cela s’ajoute le braconnage ciblé notamment sur les requins blancs, qui trouve ses raisons avant tout dans la grande valeur que les dents, les mâchoires et les nageoires de cette espèce ont sur le marché, et parfois même dans le simple désir de quelque pêcheur sportif de tuer un predateur exceptionel.
Ce n’est pas tout, car la surpêche endommage gravement les grands requins blancs même indirectement. En fait, le régime alimentaire de ces animaux ne repose pas uniquement sur les mammifères marins, mais aussi sur les poissons, à la fois osseux et cartilagineux. En particulier dans les eaux sud-africaines, les requins blancs ont une alimentation fortement basée sur d’autres espèces de requins, par conséquent ces prédateurs sont privés d’une source de nourriture fondamentale car les requins sont décimés par une pêche encore parfaitement légale aujourd’hui. Malheureusement, la viande de requin n’est pas seulement obtenue pour la consommation locale, mais elle est également exportée vers d’autres pays et la demande ne montre aucun signe de baisse.
D’autres facteurs ont créé des problèmes importants pour les grands requins blancs de la région. Les filets anti-requins utilisés dans la région du KwaZulu-Natal sont sans aucun doute un moyen efficace de protéger les plages des attaques de requins, mais ils provoquent chaque année la mort d’un grand nombre de requins de plusieurs espèces, dont de nombreux grands blancs. Comme si tout cela ne suffisait pas, il y a quelques années les requins blancs du Cap-Occidental ont fait l’objet d’opérations de marquage qui ont été effectuées avec des méthodes très invasives, à la suite desquelles la disparition de plusieurs spécimens de la zone a été observée.
La capture accessoire de grands requins blancs, la pêche de leurs proies, la capture pour empêcher les attaques sur les humains, le braconnage, la recherche invasive sont autant d’éléments qui poussent le grand requin blanc vers l’extinction. Le grand requin blanc, comme beaucoup d’autres espèces de requins, a subi un déclin dramatique au cours des 50 dernières années dans les mers du globe et ce qui se passe aujourd’hui en Afrique du Sud n’est rien de plus qu’un rappel dramatique que les problèmes créés par notre espèce et non résolus efficacement, sont destinés à se présenter partout avec les mêmes résultats catastrophiques.
Il faut un suivi attentif de l’espèce au niveau mondial, une protection qui soit efficace et qui s’accompagne à de sévères sanctions si elle n’est pas respectée, une gestion prudente des activités de pêche dans lesquelles les requins blancs représentent une prise accessoire, une réelle protection du milieu marin et de ses créatures également afin de préserver les espèces qui font partie du régime alimentaire du grand prédateur, et un efficace contrôle des activités de recherche et d’écotourisme qui ne doivent créer aucun type de dommage pour les animaux étudiés et observés. Tout cela peut et doit être fait maintenant car demain il sera trop tard. »
Alessandro De Maddalena
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