La vie secrète du requin baleine

Publié le 27 Mar, 2018

Il cache bien son jeu, le plus gros poisson du monde ! Connu pour être si calme en surface, il fait preuve d’un dynamisme étonnant en profondeur.

 

Proche de la surface, ce doux géant des océans totalement inoffensif pour l’homme se déplace nonchalamment, à 5 km/h. Si bien que nombre de plongeurs peuvent raconter leur béatitude d’avoir pu nager à ses côtés. Mais lorsqu’il rejoint les profondeurs, le placide animal devient aussi vif qu’un poisson rouge. Et peut piquer comme un oiseau sur sa proie, avant de remonter en flèche. Un comportement inconnu jusque-là, révélé par un duo de scientifiques australo-britannique, qui lève un coin du mystère entourant cette créature marine.

Du requin-baleine (Rhincodon typus), on sait qu’il mesure entre 12 et 18mètres, et peut peser 15tonnes. Il se nourrit de plancton, d’algues et de crustacés, mais ne rechigne pas à avaler les petits poissons (sardines, anchois, etc.) qui passent devant sa gueule large de deux mètres, équipée de 3000 minuscules dents. Celle-ci lui permet de filtrer 2000 tonnes d’eau par heure avec ses fanons branchiaux. La face dorsale de l’animal est bleue, parsemée de points blancs répartis de manière identificatoire.

S’il voyage souvent en solitaire, migrant sur des milliers de kilomètres dans les eaux tropicales, il n’est pas asocial. Des groupes de 40 individus ont été observés en train de pêcher ensemble. Et entre avril et juillet, des centaines d’individus se concentrent non loin de la côte nord de l’Australie, au large de Nigaloo, pour participer au festin planctonique offert par la barrière de corail qui se régénère.

Cette région est l’une des aires de recherches de Brad Norman. Ce biologiste de l’Université australienne de Murdoch a développé une photothèque qu’alimentent les plongeurs après leur rencontre avec un requin-baleine, et qui sert à étudier leurs populations. Il s’est aussi allié avec Rory Wilson, zoologue de l’Université de Swansea (pays de Galles), qui développe des balises pouvant être installées sur le dos de divers animaux et permettant de les suivre à la trace.

Les deux scientifiques se sont rencontrés dans le cadre du Prix Rolex à l’esprit d’entreprise, dont ils furent tous deux lauréats.

VIVIPARES, OVIPARES OU… OVOVIVIPARES ?

Huit de ces appareils ont pu être fixés sur autant de requins. Des quantités de données décrivant leurs trajectoires ont été enregistrées dans ces balises durant plusieurs heures. Celles-ci peuvent être retirées du dos des requins manuellement ou automatiquement, puis récupérées. « Nous avons enfin obtenu un aperçu du comportement de ces magnifiques créatures lorsqu’elles sont hors de la vue des humains, s’est réjoui Brad Norman dans un communiqué. Or ce n’est pas ce à quoi nous nous attendions! » Et Rory Wilson d’abonder : « On peut parler d’une vie à la Dr Jekyll et Mr Hyde. »

Comme le décrit Brad Norman, « les requins glissent vers les profondeurs en utilisant leur poids pour plonger, mais sans recourir à un coup de nageoire ». « Cela ressemble à la manière dont un oiseau part en piqué puis remonte, utilisant brusquement son élan et la pesanteur pour conserver le plus d’énergie possible », ajoute Rory Wilson, pour qui un tel comportement n’avait encore jamais été observé chez les poissons. Les deux chercheurs ont aussi observé que l’animal évoluait rapidement en faisant des « 8 » dans les bas-fonds. « Ils se déplacent ainsi parce qu’ils ont trouvé une zone riche en nourriture, et qu’ils souhaitent en avaler le plus possible en un temps réduit », estime Brad Norman. Qu’ils n’agissent pas de même en surface reste un mystère. Parmi d’autres.

 

Les scientifiques espèrent en effet que leur technique leur révélera où et comment les requins baleines se reproduisent. En l’état, ils ne savent pas si ces poissons sont vivipares, ovipares, ou ovovivipares (conclusion privilégiée). Autrement dit si les œufs se développent à l’intérieur de l’utérus maternel mais éclosent dans l’eau, s’ils sont fécondés et viennent à maturité à l’extérieur, ou encore s’ils éclosent carrément à l’intérieur de la femelle. Pour trancher, les zoologues ne possèdent pour indices qu’un œuf de 30 cm de haut retrouvé en 1953, l’observation d’un jeune requin de 55 cm ayant une cicatrice ombilicale, et celle d’une femelle accompagnée de 14petits et dans le ventre de laquelle ont été retrouvés 300 embryons.

Bien que l’espèce ne soit pas en voie d’extinction, les populations semblent décroître. Une fois les sites de reproduction repérés, les biologistes espèrent ainsi les protéger des activités humaines et de leurs effets, tels que la pollution ou la pêche. La chair des requins-baleines est consommée seulement en Chine et à Taïwan. Mais ses ailerons peuvent valoir plus de 18 000 euros. Peur ceux qui ont eux le privilège de nager à leur côté, l’expérience ne doit par contre pas avoir de prix.

Olivier Dessibourg (Le Temps.ch)

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