J’ai déjà mentionné dans un article précédent que ces dernières années les rencontres avec des requins blancs (Carcharodon carcharias) dans les eaux du Cap occidental, en Afrique du Sud, sont devenues massivement plus rares. Ceci est particulièrement inquiétant si l’on considère que jusqu’à il y a dix ans, la région en question était probablement la région du monde où les grands requins blancs étaient le plus abondants.
La diminution a été observée sur les trois sites de plus grande présence de l’espèce: False Bay, Gansbaai et Mossel Bay, et plus prononcée sur les deux premiers sites, qui sont également ceux où les plus gros spécimens étaient normalement observés. Nous avons déjà expliqué que la thèse présentée par les médias selon laquelle cette diminution est imputable à deux orques qui fréquentent la région est sans fondement. En revanche, nous avions déjà observé une diminution des requins blancs dans les années précédant l’apparition des deux cétacés; la situation que nous observons actuellement n’est autre que la continuation d’un phénomène qui a évidemment d’autres causes, en plus bien connues, et toutes engendrées par l’homme.
De nos jours, le grand requin blanc est une espèce protégée dans de nombreux pays, ce qui constitue sans aucun doute un changement considérable si l’on considère que jusque aux années 1980, il était acceptée et même encouragée presque partout de tuer ces animaux. La première nation au monde à déclarer le requin blanc une espèce protégée a été l’Afrique du Sud, il y a trente ans. En fait, en 1991, l’Afrique du Sud a non seulement rendu illégal de capturer et de tuer les requins blancs, mais aussi de vendre l’une de leurs parties (dents, mâchoires ou autres). Le fait que cette espèce, grâce à la plongée en cage, soit un objet d’intérêt pour l’industrie du tourisme, et par conséquent une source de richesse pour la nation, a sans aucun doute été un élément clé pour assurer sa protection, conséquence logique du simple concept qu’un requin blanc vivant génère énormément plus d’argent qu’un mort. Apparemment, le statut d’espèce protégée était au départ suffisant pour maintenir la population locale en bonne santé. Cependant, ce n’était qu’une impression temporaire. En fait, dans l’espace de trente ans, la population humaine a inévitablement augmenté non seulement au niveau mondial mais aussi localement, et l’Afrique du Sud ne fait pas exception. Avec l’augmentation de la population de notre espèce suit logiquement l’augmentation de l’exploitation des ressources naturelles.
Alors que les bateaux de pêche ont parcouru les eaux locales, les rendant de plus en plus pauvres en espèces les plus intéressantes pour un usage commercial, l’intérêt des pêcheurs pour des espèces telles que les requins, autrefois considérées comme peu intéressantes, s’est accru. Les requins sont donc capturés à la fois au cours d’activités de pêche visant les requins eux-mêmes, et tués accidentellement lors de pêches visant d’autres espèces (pensez notamment aux palangres, lignes de plusieurs dizaines de kilomètres de long et armées de plusieurs centaines d’hameçons utilisés notamment pour la pêche au thon). Bien que le requin blanc soit une espèce protégée sur papier, il est évident que rien ne le protège d’une capture accidentelle dans des activités de pêche jugées parfaitement légales. A cela s’ajoute le braconnage ciblé notamment sur les requins blancs, qui trouve ses raisons avant tout dans la grande valeur que les dents, les mâchoires et les nageoires de cette espèce ont sur le marché, et parfois même dans le simple désir de quelque pêcheur sportif de tuer un predateur exceptionel.
Ce n’est pas tout, car la surpêche endommage gravement les grands requins blancs même indirectement. En fait, le régime alimentaire de ces animaux ne repose pas uniquement sur les mammifères marins, mais aussi sur les poissons, à la fois osseux et cartilagineux. En particulier dans les eaux sud-africaines, les requins blancs ont une alimentation fortement basée sur d’autres espèces de requins, par conséquent ces prédateurs sont privés d’une source de nourriture fondamentale car les requins sont décimés par une pêche encore parfaitement légale aujourd’hui. Malheureusement, la viande de requin n’est pas seulement obtenue pour la consommation locale, mais elle est également exportée vers d’autres pays et la demande ne montre aucun signe de baisse.
D’autres facteurs ont créé des problèmes importants pour les grands requins blancs de la région. Les filets anti-requins utilisés dans la région du KwaZulu-Natal sont sans aucun doute un moyen efficace de protéger les plages des attaques de requins, mais ils provoquent chaque année la mort d’un grand nombre de requins de plusieurs espèces, dont de nombreux grands blancs. Comme si tout cela ne suffisait pas, il y a quelques années les requins blancs du Cap-Occidental ont fait l’objet d’opérations de marquage qui ont été effectuées avec des méthodes très invasives, à la suite desquelles la disparition de plusieurs spécimens de la zone a été observée.
La capture accessoire de grands requins blancs, la pêche de leurs proies, la capture pour empêcher les attaques sur les humains, le braconnage, la recherche invasive sont autant d’éléments qui poussent le grand requin blanc vers l’extinction. Le grand requin blanc, comme beaucoup d’autres espèces de requins, a subi un déclin dramatique au cours des 50 dernières années dans les mers du globe et ce qui se passe aujourd’hui en Afrique du Sud n’est rien de plus qu’un rappel dramatique que les problèmes créés par notre espèce et non résolus efficacement, sont destinés à se présenter partout avec les mêmes résultats catastrophiques.
Il faut un suivi attentif de l’espèce au niveau mondial, une protection qui soit efficace et qui s’accompagne à de sévères sanctions si elle n’est pas respectée, une gestion prudente des activités de pêche dans lesquelles les requins blancs représentent une prise accessoire, une réelle protection du milieu marin et de ses créatures également afin de préserver les espèces qui font partie du régime alimentaire du grand prédateur, et un efficace contrôle des activités de recherche et d’écotourisme qui ne doivent créer aucun type de dommage pour les animaux étudiés et observés. Tout cela peut et doit être fait maintenant car demain il sera trop tard. »
De nombreux médias à travers le monde ont récemment suggéré que la population sud-africaine de grands requins blancs (Carcharodon carcharias) avait été détruite par les orques ou épaulards (Orcinus orca). Les nouvelles retentissantes ont fait le tour du monde, même si en fait ce qui est rapporté ne correspond pas à la réalité des faits. De nombreux articles publiés par ces médias suggèrent également que l’orque est un prédateur habituel du requin blanc, un autre élément dont nous savons réellement qu’il n’est pas vrai. Que savons-nous vraiment de la relation entre ces deux espèces ?
Les orques ont une longueur moyenne bien supérieure à celle des grands requins blancs (environ 6 mètres, contre 3,5 mètres), un poids moyen beaucoup plus élevé (environ 4 tonnes contre environ 700 kg) et ils chassent généralement en groupe: ces éléments font que les orques sont évidemment très favorisés dans un affrontement entre les deux espèces. Par conséquent, bien que les grands requins blancs puissent s’attaquer aux dauphins, il n’est pas surprenant qu’à ce jour, il n’y ait jamais eu un seul cas dans lequel ils ont attaqué le plus grand des dauphins, l’orque. La supériorité physique et stratégique de l’orque sur le requin blanc ne doit cependant pas nous amener à penser que les orques attaquent normalement ces requins.
Des décennies de recherche sur le régime alimentaire et les tactiques de prédation des orques menées dans de nombreuses régions de la planète ont fourni des données solides prouvant que la plupart des populations de ces cétacés ne s’intéressent pas aux grands requins blancs. On sait que les différentes populations d’orques à travers le monde ont tendance à avoir un régime alimentaire plutôt spécialisé et par conséquent à modéliser leurs tactiques de chasse sur des différentes espèces d’une population à l’autre. Il n’est donc pas surprenant qu’il existe également des populations d’orques spécialisées dans la predation sur les poissons cartilagineux, compris les requins et les raies, et il est intéressant de noter que ces orques n’attaquent les grands requins blancs que dans des cas exceptionnellement rares. En dehors de l’Afrique du Sud, les seuls cas confirmés dans lesquels des orques ont attaqué et tué des requins blancs sont en fait seulement au nombre de trois à ce jour, observés en Californie et en Australie-Méridionale. Dans la pratique, ce sont des cas si rares qu’ils peuvent être considérés comme statistiquement non pertinents.
La seule exception à la situation décrite a été observée ces dernières années, à partir de 2017, dans les eaux de la région du Cap-Occidental en Afrique du Sud. Dans cette zone, deux orques semblent avoir tué quelques grands requins blancs, probablement un total de six, dans la région de Gansbaai, l’un des sites les plus célèbres au monde pour observer les requins blancs. Les autres orques qui fréquentent la zone en question se nourrissent généralement de dauphins, comme en témoignent de nombreuses observations faites au fil des ans, et sont généralement observés le long de la côte vers avril. Les deux orques mâles qui chassent les requins, d’autre part, ont tendance à être semi-stationnaires dans la région et ont la particularité d’avoir la nageoire dorsale effondrée, l’une penchant à gauche et l’autre à droite, ce qui leur a donné les noms de Port et Starboard (c’est-à-dire bâbord et tribord, qui en langage nautique indiquent la côté gauche et celle droite d’un bateau). Ce caractère est typique des orques âgées, malades ou gardées en captivité, essentiellement des spécimens qui ont une capacité motrice réduite.
On ne sait pas pourquoi ces deux orques ont commencé à chasser les requins, tuant et mangeant non seulement des requins blancs, mais aussi des requins plat-nez et des requins cuivre. Cependant, j’ai tendance à penser qu’il s’agit d’un comportement provoqué par notre espèce. On sait que les orques se nourrissent parfois de poissons capturés par les bateaux de pêche et en particulier de ceux capturés à la palangre. Une hypothèse est que les deux orques en question ont été touchés par des coups de feu tirés depuis un bateau de pêche, et suite aux blessures subies, ils n’étaient plus en mesure de chasser des proies telles que les dauphins, extrêmement agiles et capables de supporter la nage à grande vitesse pendant longtemps. Cela aurait pu les inciter à trouver une autre source de nourriture, les requins, en se concentrant surtout, mais pas exclusivement, sur leur foie, qui chez ces animaux a une taille considérable et est une source importante de lipides, c’est à dire d’énergie pour les orques.
Cependant, une chose est claire. Les orques peuvent être responsables de la mort de quelque grands requins blancs et peuvent amener d’autres à quitter temporairement la zone pour y revenir plus tard. Mais il n’a aucun sens de blâmer deux orques pour la diminution massive des grands requins blancs observés dans les eaux sud-africaines ces dernières années. C’est le résultat des activités humaines, en particulier la pêche, qui affecte à la fois les requins blancs et leurs proies. Et il n’est pas du tout exclu que, comme mentionné ci-dessus, que même ces meurtres de requins blancs par des orques n’aient été causés par une intervention humaine. »
Alessandro De Maddalena
L’orque peut occasionnellement s’attaquer au requin blanc, mais les cas réels répertoriés restent très peu nombreux.
Nous sommes situés à False Bay, en Afrique du Sud, à seulement cinquante minutes en voiture du Cap. L’eau a une couleur extraordinaire dans la lumière de l’aube. Les sons émis par les otaries de l’île voisine résonnent sans relâche dans l’air. Soudain, les eaux s’ouvrent et le grand requin blanc (Carcharodon carcharias), seigneur des océans, émerge avec toute sa masse puissante et son étonnante élégance…
La tête conique, les branchies en forme de lame, la coloration presque métallique, les longues nageoires pectorales en forme de faucille lui donnent un aspect préhistorique dans l’ensemble. Il a un bébé otarie dans la gueule. Le requin retombe dans l’eau et la mer s’ouvre en un rideau d’éclaboussures pour l’accueillir à nouveau dans sa masse immense. Moins d’une seconde, c’est la durée du saut d’un requin blanc; 0,7 seconde en moyenne. Voir une tel animal chasser, assister à la sélection naturelle en plein essor et de la manière la plus étonnante, est quelque chose qui restera dans l’œil du spectateur jusqu’à la fin de ses jours.
À False Bay se trouve Seal Island, l’île qui abrite une colonie de plus de 60000 otaries à fourrure du Cap (Arctocephalus pusillus pusillus), la plus grande colonie de pinnipèdes située sur une île d’Afrique. Dans ces eaux, les otaries sont la proie préférée des requins blancs. Pendant longtemps, False Bay a été le premier site mondial d’observation du comportement prédateur du requin blanc, dont les secrets ont été révélés principalement grâce aux études menées dans la région par le spécialiste sud-africain des requins Chris Fallows avec sa femme Monique et leur équipe. La période favorable pour observer ce comportement a été identifiée entre avril et septembre. C’est en effet à cette période que les bébés otaries, nés en novembre-décembre, tout en continuant à prendre le lait de leur mère, commencent à élargir leur alimentation et apprennent à chasser, et pour ce faire ils s’éloignent de l’île. Les otaries quittent l’île en groupes, car ils savent qu’en restant ensemble , il est plus difficile d’être attaqués. Mais quand vient le temps de retourner à Seal Island, le grand requin blanc les attend à l’affût. Les otaries adultes et subadultes sont conscients du danger et savent le limiter; par conséquent, ils se joignent pour former un groupe à l’approche de l’île. Mais les otaries les plus jeunes et les moins expérimentées sont celles qui restent le plus souvent isolées, et ce sont précisément la principale cible des requins blancs. D’autre part, les jeunes otaries ont une teneur élevée en tissus adipeux, ce qui en fait un élément parfait dans l’alimentation du requin blanc.
Habituellement, le site de l’attaque peut être identifié en fonction de la présence d’oiseaux de mer, en particulier les goélands dominicains, qui se rassemblent dans les airs à un endroit précis. Depuis les airs, les oiseaux de mer sont capables de repérer un requin blanc s’approchant d’une otarie avant que l’attaque ne se produise. Il est donc essentiel de suivre attentivement les mouvements des oiseaux pour identifier le site de l’attaque imminente et s’en approcher avec le bateau, tout en maintenant la bonne distance pour ne pas gêner la prédation. L’intérêt des oiseaux de mer pour la prédation des requins blancs sur les otaries s’explique par le fait que si le requin parvient à tuer une otarie, les oiseaux ont la possibilité de se nourrir des restes de son repas.
La courte phase suivant l’aube est généralement le moment choisi par le requin blanc pour attaquer. La quantité de lumière est encore modeste, mais elle suffit pour que le requin puisse voir l’otarie se détacher clairement à la surface; au contraire, la lumière est trop faible pour que la proie puisse voir le requin se diriger vers elle d’en bas à grande vitesse, et la mauvaise visibilité sous-marine des eaux côtières sud-africaines est un autre facteur en faveur du requin.
L’otarie est attaquée en surface et l’attaque dure généralement moins d’une minute. Souvent, la prédation consiste en une seule attaque, effectuée à grande vitesse par le bas, afin d’attraper le l’otarie par surprise. L’élément de surprise est essentiel au succès de l’attaque, en effet, bien que le requin blanc puisse compter sur une plus grande force et une vitesse considérable, l’otarie le surpasse en agilité. Si l’attaque se prolonge dans le temps, la probabilité que l’otarie puisse s’échapper augmente, car l’élément de surprise est perdu. L’attaque peut suivre différentes modalités, mais trois phases principales peuvent être identifiées. La première phase est celle de l’attaque initiale, le requin sautant complètement ou partiellement hors de l’eau, souvent verticalement, atteignant jusqu’à 4 m de haut par rapport à la surface. Quand il le fait, il peut déjà avoir l’otarie dans sa gueule, sinon il tourne la tête pendant le saut pour ne pas perdre de vue la proie. La deuxième phase est celle de la poursuite secondaire, avec le requin qui saute souvent le dos partiellement hors de l’eau, en direction de l’otarie qui peut encore être indemne ou déjà blessée. La troisième phase est celle de la capture de la proie, qui est souvent réalisée avec un claquement latéral, avec flexion de la tête vers la proie, protrusion de la mâchoire et morsure oblique avec les dents antérolatérales. La dent intermédiaire, qui est placée entre les dents antérieures et les dents latérales de la mâchoire, produit généralement le plus de dommages à la proie.
Les grands requins blancs peuvent sauter hors de l’eau n’importe où, mais ils le font plus fréquemment en Afrique du Sud que partout ailleurs dans le monde. On pense que le type de fond marin, qui s’enfonce rapidement à une courte distance de l’île, favorise ce comportement. Le requin nage autour de la plate-forme insulaire de Seal Island, prenant de l’élan à plusieurs mètres de profondeur afin d’intercepter l’otarie retournant sur l’île. On a également émis l’hypothèse que la technique d’attaque par sauts est un phénomène culturel typique des requins blancs de cette zone, qui sont en partie sédentaires ou en tout cas reviennent périodiquement sur ce site. Fondamentalement, il est possible que les spécimens aient appris cette technique les uns des autres par imitation.
Cependant, le comportement prédateur des requins blancs est devenu de plus en plus difficile à observer ces dernières années. La saison favorable s’est sensiblement raccourcie et, de six mois, maintenant elle dure à peine deux mois. Ce changement est dû à l’extrême raréfaction de la présence de requins blancs dans la zone, qui, un temps furent des habitants communs des eaux sud-africaines, mais ont massivement diminué en nombre sur toute la côte de la région.
Alessandro De Maddalena
Adjunct Professor of Vertebrate Zoology at the University of Milano-Bicocca, Italy
Collaborator of Apex Shark Expeditions, South Africa
Collaborator of Rodney Fox Shark Expeditions, South Australia
Collaborator of Strømsholmen Sjøsportsenter, Norway
Shark Museum, Simon’s Town, Cape Town, South Africa
Perspectives globales sur la biologie et l’histoire de la vie du requin blanc. Les requins blancs (Carcharodon carcharias) du Pacifique Nord-Est constituent une population génétiquement distincte et isolée démographiquement des autres populations d’Australie/Nouvelle-Zélande et d’Afrique du Sud. Dans le Pacifique Nord-Est, les requins blancs adultes et subadultes montrent une grande fidélité à la zone de rassemblement, respectivement en Centre Californie et sur l’Île de Guadalupe au Mexique.
Les individus marqués sur les deux sites migrent au large des côtes vers des habitats pélagiques communs mais reviennent systématiquement vers les côtes où ils ont été marqués. A ce jour, la preuve d’une connectivité dans ces zones côtières n’est pas évidente et soulève la question si elles constituent une seule et même population ou deux populations distinctes. Une troisième zone côtière, comprenant les eaux littorales de Point Conception en Californie, s’étendant du sud de la Baie de Californie du Sud, jusqu’à la Baie de Sebastian Vizcaino au Mexique, a été reconnue comme étant une zone de nurserie pour les Requins Blancs. Bien que les captures accidentelles dans la Baie de Californie du Sud constituent principalement des nouveau-nés et de grandes femelles, peu de preuves existent quant au déplacement de femelles adultes vers cette prétendue pouponnière, laissant la porte ouverte à la possibilité que la mise bas s’effectue ailleurs, suivie de la migration des nouveau-nés vers la nurserie.
Connectivité entre les requins blancs de la zone de rassemblement côtière du Pacifique nord-est
Nous allons illustrer comment de rares événements d’une grande banque de données de marquage fournissent d’importantes informations sur la connectivité des zones de rassemblement dans le Pacifique Nord-Est. Le marquage sonore révèle le déplacement exceptionnel d’une seule femelle sur 140 déplacements, du Centre Californie à l’Île de Guadalupe ; le premier résultat montrant un mouvement connectant les sites de rassemblement. Sur 97 transmissions d’archives d’émission de balises déployées en Centre Californie, un seul déplacement était effectué par une grande femelle guérissant des cicatrices d’un accouplement, signes qu’un accouplement avait eu lieu avant cette migration. Cette femelle a été suivie au large des côtes et finalement dans la Baie de Californie du Sud où la balise a émit un signal 362 jours plus tard au large de l’île de Santa Catalina. Le déplacement de cette femelle dans la Baie de Californie du Sud coïncidait avec le pic de période des nouveau-nés dans cette zone.
Introduction
Par le passé, beaucoup voyaient la mer comme un habitat en grande partie dépourvue de barrières physiques, un endroit où des espèces réparties sur le globe pouvaient errer, par la suite, échanger leurs gènes le long du chemin, comme une seule et très grande population (Palumbi, 1994). En effet, très tôt, des études sur la génétique de poissons marins concordaient avec cette opinion.
La plupart des espèces montraient peu de différences génétiques à grande échelle mondiale (Avise, 2000). Cependant, les études de marquage électronique ont fourni un nouvel aperçu dans le mouvement complexe des espèces de poissons marins hautement migratoires, incluant le Requin Blanc. Ces nouvelles données sur les requins montrent à présent, un haut niveau d’attachement à des lieux et un instinct de retour à son origine, établissant la structure de la population génétique à petite échelle, qui était, jusqu’à récemment, inattendue.
Les Requins Blancs du Pacifique Nord-Est (PNE) constituent un clade phylogénétique différent, basé sur des marqueurs ADN mitochondrial (Jorgensen et al., 2010). A ce jour, les données génétiques publiées recueillies pour le clade du PNE incluaient seulement les requins de Centre Californie (CC). Pourtant, les données de marquage électronique indiquent que l’isolement génétique des requins du PNE était potentiellement maintenu par un fort attachement à des lieux vers des habitats côtiers très précis et pélagiques (Jorgensen et al., 2010).
Le marquage a aussi montré que la fidélité à un lieu se produisait à des échelles plus localisées dans le PNE ; les Requins Blancs marqués près des colonies de phoques en CC reviennent régulièrement vers ces mêmes colonies après avoir visité des lieux au large, incluant Hawaii et le White Shark Café* (Jorgensen et al., 2010). De même, les Requins Blancs marqués près de la colonie des Éléphants de Mer du Nord de l’Île de Guadalupe (IG) ont aussi visité les mêmes zones au large (également appelées Hawaii et the Shared Offshore Foraging Area or SOFA**) (Domeier et Nasby-Lucas, 2008 ; Chapitres 11 et 12 de ce livre) et sont retournés systématiquement vers l’IG. Bien que les requins de ces lieux de rassemblement côtier du PNE se recoupent dans une zone pélagique de 1500 à 4000 km au large, il n’y a aucune preuve d’un individu se déplaçant entre ces sites côtiers, laissant la porte ouverte à davantage de structure de population dans le PNE. On ne sait pas si les groupes de ces deux sites de rassemblement constituent une seule ou deux populations distinctes. Comprendre le degré de connectivité de ces deux groupes du PNE séparés par la frontière Mexique – E.U. est vital pour déterminer avec succès le statut de leur population, le degré de brassage et les options de gestion.
La gestion des Requins Blancs du PNE requiert aussi des informations sur les étapes de la vie des jeunes individus. La Baie de Californie du Sud (BCS) a été hypothétiquement considérée comme une zone de nurserie, basée sur la concentration de nouveau-nés Requins Blancs arrivant ici en été et à l’automne (Klimley, 1985 ; chapitres 14 et 16 de ce livre). Cette pouponnière s’étend probablement de Point Conception en Californie, au sud le long de la côte traversant la frontière Mexique – E.U. jusqu’à la Baie de Sebastian Vizcaino (chapitres 14, 15 et 16 de ce livre). Les enregistrements du récent rapport de capture, ainsi que les données de suivi d’une femelle adulte (chapitre 16 de ce livre), indiquent que la pouponnière pourrait s’étendre plus au sud vers Cabo San Lucas et dans le Golfe de Californie, bien que les catégories de plus petites tailles (environ 150cm ; nouveau-nés) n’apparaissaient pas dans les enregistrements du Golfe de Californie (Galvan-Magana et al., 2010).
Les nouveau-nés naissent soit dans la BCS, soit ailleurs, puis ils migrent vers la pouponnière. Klimley (1985) a montré que les captures de Requins Blancs dans la BCS étaient composées essentiellement de nouveau-nés et de grandes femelles en été et à l’automne, tandis qu’au nord de Point Conception, les captures étaient principalement constituées de mâles et de femelles égales ou supérieurs à 2m en été, à l’automne et en hiver. La co-occurrence de saison des grandes femelles et des nouveau-nés suggère que les femelles en fin de terme migrent vers la pouponnière pour mettre bas. Pourtant, aucune des grandes femelles attrapées n’était enceinte (cinq femelles de plus de 4,5m en longueur totale) et les nouveau-nés étaient habituellement capturés plus près de la côte que les femelles adultes, ce qui soulève quelques doutes quant aux conclusions résultant de ces seules données de captures.
Nous avons utilisé des données de marquage électronique pour déterminer la connectivité dans le PNE, entre les Requins Blancs de CC et de l’IG et entre le CC et la pouponnière de la BCS. Les objectifs spécifiques de cette étude étaient de : 1. Suivre le modèle de déplacement potentiel entre le CC et l’IG ; 2. Décrire le mouvement d’une femelle adulte du CC qui se déplace vers l’habitat de la pouponnière des Requins Blancs en été et à l’automne pour la saison de mise bas ; et 3. Élucider davantage l’histoire de la vie, la structure de la population et la connectivité des Requins Blancs du PNE.
* White Shark Café : c’est une zone reculée au milieu de l’Océan Pacifique reconnue comme étant un habitat d’hiver et de printemps pour les Grands Requins Blancs des côtes.
** Shared Offshore Foraging Area or SOFA : la SOFA est une énorme zone (si grande que les Requins Blancs ne s’y rencontrent probablement jamais quand ils sont au large) où les Grands Requins Blancs de CC et de l’IG viennent pour se nourrir.
Matériel et méthodes
Quatre-vingt dix-sept balises de Transmission d’Archive de Signalement (TAS 2.0, 3.0 et 4.0 et Mk10-TAS ; Wildlife Computers, Redmond, WA) ont été déployées sur des Requins Blancs de CC.
Le déploiement et les méthodes d’estimation de positionnement sont décrits en détail dans Jorgensen et al. (2010). Pour déterminer le taux de voyage pendant la migration à partir du suivi des marquages satellites, nous avons calculé la distance de déplacement net, au fil du temps, entre les estimations de position reliant la zone côtière et le Café.
En outre, nous avons déployés 110 balises acoustiques émettrices, individuellement codées, (V16-4H ; Vemco, Halifax, Nouvelle Ecosse) en CC (décrit en détail par Jorgensen et al. 2010) et 31 balises de même modèle sur des Requins Blancs sur l’Île de Guadalupe (voir schéma 13.1 pour les informations de données de déploiement).
Six stations d’écoute acoustique VR-3 ont été placées sur les zones de rassemblement en CC du 16 Octobre 2006 au 2 Décembre 2009. Trois récepteurs acoustiques VR-2 ont été postés en activité autour de l’IG d’Août 2008 au 30 Octobre 2009. Les données acoustiques furent analysées avec MATLAB*** (The MathWorks, v.7.9.0.529). La distance totale supposait que chaque requin avait nagé aux côtés d’un navire de recherche, d’une distance parcourue connue. Vidéo et images ont été utilisées afin de déterminer le sexe et l’identification de chaque individu.
*** MATLAB : éditeur de logiciels de calculs techniques et scientifiques.
Schéma 13.1 Déplacement du Carcharodon carcharias entre le CC et l’IG déterminé par des balises acoustiques. (a) Les récepteurs furent activement déployés en CC du 15 Octobre 2006 au 14 Décembre 2009 (ligne noire) et du 22 Octobre 2008 au 30 Octobre 2009 sur l’IG (ligne rouge). Le Requin Blanc S153 fut marqué en Centre Californie le 13 Octobre 2008 et fut signalé (diamants noirs) localement pendant 29 jours avant de quitter la zone. Le requin fût par la suite, signalé sur l’IG le 12 Novembre 2008. S153 resta près de l’IG pendant 115 jours jusqu’au 7 Mars 2009. Ensuite, après 185 jours d’absence, le requin retourna sur l’IG le 10 Septembre 2009 et resta là pendant 50 jours de plus. (b) Le nombre cumulé de balises acoustiques déployées en CC (ligne noire) et sur l’IG (ligne rouge) au fil du temps, totalisa 110 en CC et 31 sur l’IG. Le déplacement d’un seul individu suggère que de tels échanges sont relativement rares.
Résultats
Sur les 141 déploiements de balises acoustiques, 110 en CC et 31 à l’IG, un seul individu fût signalé sur les deux sites (voir schéma 13.1a). La femelle de 3,66m, nommée S153, a été marquée le 14 Septembre 2008 près de Tomales Point en CC et est restée sur place le mois suivant jusqu’au 13 Octobre 2008. Pendant cette période de 29 jours, le requin a été détecté 528 fois avec un temps moyen de 28,9 minutes entre chaque signalement (minimum = 1,1 minute ; maximum = 5,4 jours). Le requin fût ensuite détecté sur l’IG, 1000 km au Sud Est, 29 jours plus tard, le 12 Novembre 2008.
La vitesse moyenne minimum du requin pour voyager de CC à l’IG fût de 34,5 km/jour. S153 resta ensuite sur l’IG jusqu’au 7 Mars 2009. Pendant cette période de 115 jours, le requin a été détecté 15365 fois avec un temps moyen de 11 minutes entre chaque signalement (minimum = 1,1 minute ; maximum = 7,9 jours). Le 7 Mars 2009, le requin a finalement disparu, coïncident avec la saison de migration au large attendue et ne fut pas signalé de nouveau pendant 185 jours. Le 10 Septembre 2009, S153 revint sur l’IG, où elle fût détectée pendant 50 autres jours grâce aux données recueillies, jusqu’au 30 Octobre 2009. Durant ces 50 jours, le requin fût signalé 386 fois avec une durée moyenne de 3,1 heures entre chaque signalement (minium = 1,1 minute ; maximum = 8,5 jours).
Un total de 68 Requins Blancs (23 femelles, 32 males et 13 individus au genre non identifié) ont été tracés avec succès grâce aux balises satellite. La durée moyenne de déploiement fût de 199 jours. Les dates de marquages, les tailles estimées, les durées de déploiement et les informations de genre sont résumés dans le Supplemental Table S1 dans Jorgensen et al. (2010). S70, une femelle marquée d’une balise de TAS le 9 Octobre 2006 au Sud Est des Îles Farallon en CC, a été suivie pendant 362 jours, ce qui est le plus long déploiement. D’après le marquage, le requin est resté à proximité du CC pendant plus de 3 mois jusqu’à ce qu’il prenne la direction du large vers la mi-Janvier (voir schéma 13.2). Le requin s’est dirigé vers la région du Café à un taux moyen de déplacement de 87 km/jour. Une fois au large, le requin est resté autour de la zone du Café jusqu’au mois d’Avril, puis se déplaça une fois directement vers la BCS (taux de déplacement moyen = 60 km/jour), pour retourner au large à nouveau (68 km/jour). Ce « revirement » a apparemment eu lieu avant qu’il n’atteigne le plateau continental, à l’heure où l’enregistrement de la balise montrait une température minimale de 13,6°C à la surface de l’eau, température atteinte les 16 et 17 Avril.
En Juin, le requin partit pour la BCS (50 km/jour), arriva au début du mois de Juillet et resta là au moins jusqu’au 5 Octobre 2007 quand la balise se détacha, d’après les données préprogrammées et qu’il fût d’abord détecté près de Two Harbors sur l’Île de Santa Catalina (voir schéma13.2). La longueur totale estimée de S70 quand elle fût marquée était de 4,88m. En général, les femelles de plus de 4,50m sont censées êtres des adultes pouvant se reproduire (Francis, 1996) et S70 fût la seule femelle montrant des preuves d’accouplements récents (Pratt and Carrier, 2001) quand elle fût marquée. Aucune autre femelle ou mâle marqués par balise satellite ne se sont déplacés vers la BCS pendant la période de suivi.
Sur les 23 femelles marquées d’une balise de TAS, neuf individus faisaient plus de 4,50m (adulte) et couvrirent une période de suivi passé le 16 Mai, la première date enregistrée sur la capture de nouveau-nés (moins ou égal à 150cm) (Klimley, 1985). Sur ces neuf enregistrements, deux individus sont retournés en Centre Californie en Août (le requin 50 et le requin 59 – Supplemental Table S1 dans Jorgensen et al., 2010) et six balises émirent un signal dans la zone du Café (deux de chaque en Juillet, en Août et en Septembre ; respectivement les requins 8, 91, 35, 42, 46 et le 137 (Jorgensen et al., 2010)).
Schéma 13.2 Le déplacement d’une femelle Requin Blanc du Centre Californie à la Baie de Californie du Sud. S70 fût marquée le 9 Octobre 2006 (petit triangle pointe en bas) près des Îles Farallon en CC et la balise émit, d’après le calendrier, le 5 Octobre 2007 (petit triangle pointe en haut) près de Fisherman’s Cove sur la côte Nord Est de l’Île de Santa Catalina dans la BCS. La ligne de suivi décrit une moyenne de 5 mouvements de position de géolocalisation et les couleurs correspondent au mois.
Débat
Le modèle de migration prévisible des Requins Blancs fréquentant l’ÎG, par rapport à ceux montrant un attachement aux colonies de phoques en CC fournit une possibilité irréfutable quant à la structure de population à l’intérieur du PNE. En fait, les résultats d’un précédent marquage n’avaient supposé aucun mouvement entre les deux zones de groupe (Domeier and Nasby-Lucas, 2008 ; Jorgensen et al., 2010 ; chapitres 11 et 16 de ce livre). Les documents ici présents concernant un seul individu se déplaçant entre le CC et l’ÎG, en dépit du grand nombre de signalements, suggèrent que de tels déplacements sont relativement rares. Néanmoins, d’après le marquage, S153 résida en CC pendant 1 mois, puis se déplaça vers l’ÎG, révélant pour la première fois une connectivité entre ces deux zones de groupe du PNE.
Étant donné l’isolement apparent entre les Requins Blancs fréquentant le CC et ceux de l’ÎG, le débat quant au potentiel échange génétique entre les groupes s’est concentré sur la possibilité de l’accouplement au large dans une zone partagée, le White Shark Café (Jorgensen et al., 2010), ou bien qu’un mélange se fasse dans une zone commune de progénitures, dans une seule nurserie de la BCS, d’où les jeunes mixtes pourraient se diriger soit vers l’ÎG, soit vers le CC. Toutefois, cette étude apporte la première documentation empirique quant à un échange direct à travers les migrations des deux groupes. L’utilisation continue de récepteurs acoustiques et de balises (qui ont une durée de vie de plus de 3 ans), nous aideront à déterminer combien de fois ces échanges surviennent, à condition que les récepteurs soient maintenus sur les deux sites.
La preuve de ces déplacements pourrait être expliquée plus en détail grâce aux méthodes de photo-identification des individus. Anderson et al. (2011) ont identifié près de 200 individus sur 22 ans, en utilisant des photographies de nageoires dorsales en CC. La morphologie des ailerons a montré qu’elle se conservait sur de longues périodes (Anderson et al., 2011) et qu’elle pouvait permettre l’identification des requins entre ceux de CC et ceux de l’ÎG pour les années à venir. Sur l’ÎG, 113 individus uniques furent identifiés sur 9 ans (chapitre 25 de ce livre) en utilisant seulement les marqueurs de pigmentation de peau. Chapple et al. (2011) ont estimé la population actuelle de Requins Blancs adultes et subadultes de CC à 219 individus (entre 130 et 275 ; 95% plausibles intervalles).
Sur l’ÎG, un système de marquage par re-capture des individus identifiés en 9 ans suggère un index d’abondance de près de 120 adultes et subadultes (chapitre 26 de ce livre) ; cependant, ce chiffre pourrait être sous-estimé. Néanmoins, potentiellement, un grand pourcentage d’adultes et un bon nombre de subadultes sont actuellement identifiés dans le PNE, soulevant la probabilité de détecter des échanges entre le CC et l’ÎG dans le future. Réaliser des photos de pigmentation de peau en CC est problématique à cause du peu de clarté de l’eau, tandis que sur l’ÎG on peut facilement réaliser ce genre de photos. Par conséquent, des efforts doivent être faits pour homogénéiser les méthodes d’identification en utilisant la morphologie des ailerons sur les deux sites.
Des tests moléculaires approfondis détermineront si les adultes de l’ÎG et de CC peuvent être génétiquement différents. La réponse est importante pour la conservation du Requin Blanc, car les estimations du nombre d’individus dans les deux groupes est anormalement faible. Si ces deux groupes ont en fait des fonds génétiques différents, des mesures différentes devront être développées. Toutefois, répondre à cette question de façon concluante sera difficile. Tout d’abord, l’ADN mitochondrial a un taux de mutation lent chez les requins (Martin et al., 1992). Très peu de séquences polymorphes furent observées dans la séquence ADN, qui aurait pu différencier ces supposées populations l’une de l’autre. En réalité, plus de 60% des individus de CC échantillonnés appartiennent à deux principales lignées de femelles (Jorgensen et al., 2010), ce qui signifie que bien plus d’échantillons devront être testés pour la signification statistique. Ensuite, même un niveau bas de mixité entre le CC et l’ÎG, que ce soit par flux de gènes ou par regroupement, peut inhiber la sensibilité des analyses génétiques. L’utilisation de marqueurs d’évolution plus rapides, tels que les microsatellites localisés, peuvent apporter de meilleurs tests pour les adultes de l’ÎG et de CC. Ces marqueurs fournissent aussi un moyen de relever les empreintes génétiques des individus (Gubili et al., 2009) et de quantifier les degrés de parenté (Feldheim et al., 2004).
Faire correspondre les adultes à leur progéniture dans la BCS est possible étant donné leur petite population et devrait aider à faire la distinction entre les systèmes de mixité potentielle.
Pour quantifier la mixité entre les deux sites, les balises acoustiques et satellites, les photos identification et la génétique sont des outils complémentaires importants. L’ampleur et le modèle de mixité sont importants pour comprendre si la population fonctionne en tant qu’une seule population mixte dans le PNE ou en tant que sous-populations séparées avec peu d’échanges. De plus, cela aidera à déterminer l’importance des pratiques organisées au-delà de la frontière E.U. – Mexique.
De même qu’avec la mixité entre le CC et l’ÎG, la preuve que les femelles se déplacent de CC vers la prétendue nurserie est faible. S70 fût la première femelle marquée et enregistrée, montrant qu’un Requin Blanc adulte voyageait de la zone de groupe de CC vers les environs de la zone de nurserie de la BCS. Le seul autre enregistrement publié vient d’un Requin Blanc qui avait été photographié sur les Îles du sud de Farallon le 7 Novembre 1988, puis photographié à nouveau 6 ans plus tard le 18 Octobre 1994, à mi-chemin entre l’Île de Santa Catalina et Newport Beach en Californie, dans la BCS (Anderson et Goldman, 1996).
Curieusement, le lieu où ce requin fût par la suite photographié dans la BCS se situait à moins de 30 km d’où la balise de S70 émit. Sur les neufs femelles adultes enregistrées passé le 16 Mai, S70 fût le seul individu marqué et enregistré montrant se modèle de déplacement ; cependant, c’était aussi la seule femelle marquée à montrer des marques d’accouplement. Deux des neufs requins sont retournés en Centre Californie durant l’année de marquage. Toutefois, la possibilité que certains des six individus restants se déplacèrent vers la BCS pendant la période de mise bas après que les balises n’émirent (dans la région du Café) ne peut pas être exclue, puisque les balises émirent entre Juillet et Septembre. Les observations de Requins Blancs femelles avec des marques récentes d’accouplement sont rares en CC. Durant le travail sur le terrain qui fût conduit en CC sur les deux dernières décennies, 395 rencontres avec des Requins Blancs furent photographiées pour documentation (Anderson et al., 2011), mais seulement cinq cas semblaient avoir des marques impliquant un accouplement et parmi ces cinq individus, seule S70 était marquée.
Les cinq cas étaient similaires dans le sens où les blessures étaient partiellement refermées. Le fait que ces marques d’accouplement soient peu fréquemment observées sur les Requins Blancs de CC suggère que, soit que les accouplements y sont rares, soit que les femelles restent généralement au large après l’accouplement, laissant le temps aux blessures de guérir. Aussi, l’absence d’observations de marques d’accouplement récent, malgré les précédentes observations, est incompatible avec l’hypothèse que les accouplements ont lieu avec une certaine régularité dans les zones côtières de CC, où les individus recherchent de la nourriture. Les taux de guérison sont élevés chez les Requins Blancs (chapitre 6 de ce livre). Néanmoins, la possibilité que les blessures de S70 soient survenues au large, au Café, avant d’arriver aux Îles Farallon ne peut être exclue. Quelque soit le lieu où les accouplements se font, la présence de cicatrices partiellement refermées puis le déplacement de S70 dans la BCS soulève l’hypothèse que les femelles gravides du groupe de CC migrent vers la BCS pour donner naissance (Klimley, 1985).
La période de gestation des Requins Blancs est supposée entre 12 et 18 mois (Francis, 1996). En supposant que ceci est exact et compte-tenu du calendrier des nouveau-nés (plus petits ou égal à 150cm ; Fancis, 1996) capturés dans la BCS en Août (Klimley, 1985), la fécondation doit avoir lieu entre Février et Août de l’année précédente. Si les marques d’accouplement de S70 sont arrivées environ plus de 45 jours avant la date de photographie (voir schéma 13.3 ; le 9 Octobre), et bien cette observation cadrerait avec la prédiction. Cependant, la période précise de gestation des Requins Blancs reste inconnue et la possibilité de stockage de sperme n’a pas non plus été déterminée par espèce.
Schéma 13.3 Le requin S70 juste avant son marquage le 8 Octobre 2006, montrant des preuves de blessures d’accouplement présumé partiellement guéries.
Conclusion
Précédemment, la connaissance et les données recueillies par les marquages satellite avaient suggérées un isolement entre les zones de groupe de CC (Centre Californie) et de l’ÎG ( Ile de Guadalupe), au sein-même du PNE ( Pacifique Nord Est ). Les Requins Blancs avaient montré un fort attachement à ces sites sans indication de mouvement entre eux, malgré le recoupement d’habitat et la mixité saisonnières dans les zones du large.
De plus, les données de suivi électronique devaient encore confirmer le déplacement des femelles (ou des mâles) à partir des zones dites d’adultes, vers la BCS. Grâce aux marquages satellite et acoustiques, aux identifications photo et aux données partagées entre les sites étudiés de CC et de l’ÎG, nous avons révélé de rares mais importantes observations illustrant le lien vital de ces trois zones côtières pour la compréhension et la gestion de la population de Requins Blancs dans le PNE.
Au niveau international, les Requins Blancs (Carcharodon carcharias) ont été classés comme possibles d’extinction sur la « liste rouge » de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN, le 27/04/2010, catégorie VU A2cd+2cd) et sont listés dans l’Appendice II de la Convention on International Trade in Endangered Species.
Cette étude fournit une mise à jour de la dynamique spatiale sur la population des Requins Blancs du PNE, apportant une meilleure compréhension d’une espèce complexe, fournissant ainsi des informations supplémentaires quant à l’écologie reproductive et migratoire de cette espèce et soulignant l’importance de la collaboration entre les E.U. et le Mexique pour la recherche et la gestion.
Article traduit de l’anglais en exclusivité pour SMF. Travaux collégiaux menés par le docteur Mauricio Hoyos Padilla
Remerciements
Ce projet a été financé par les Fondations Sloan, Moore et Packard, dans le cadre du programme Tagging of Pacific Pelagics du Census of Marine Life. La Fondation Monterey Bay Aquarium, Shark Diver, les Fonds de The Guadalupe Island Conservation, Pfleger Institute of Environmental Research, Instituto Politecnico Nacional (COFAA, EDI), Iemanya Oceanica, la Fondation International Community, WWF-Telcel Alliance et Grupo Bursatil Mexicano ont aussi participé au support financier. Nous remercions J.P. Kanive, J. Barlow, C. Logan, R. Elliot, J. Cornelius, T. O’Leary, P. Douglas, G. Grivetto, k. Neff, B. Cornapple, J. Schaeffer, J. Fitzgerald, B. Becker, R. Theiss, C. Farwell, A. Carlisle, S. McAfee, J. O’Sullivan, M. Castleton, J. Ganong, L. Rodriguez et A. Swithenbank pour leur aide sur le terrain, en labo, pour le traitement de données et le montage. Nous remercions CICIMAR, la Marine Mexicaine, Comision de Areas Naturals Protegidas, Island Conservation et les pêcheurs locaux de l’Île de Guadalupe pour leur aide. Nous sommes reconnaissants envers SeaLife Conservation, R. Repas, E. Homer et l’équipage du R.S.V. Derek M. Bayliss, Horizon Charters, Islander Charters, Nautilus Explorer, Sea Escape, Solmar V et M/V Andrea Lynn pour leur navire. Le projet fût dirigé avec la permission U.S. du CDFG, MBNMS, GFNMS, NMFS, NPS et en vertu du Protocol 10765, Stanford University animal subjects. Au Mexique, les travaux furent conduits avec la permission du Secretaria del Medio Ambiente y Recursos Naturales (SGPA/DGVS/040053/07), Comision Natural de Areas Naturales Protegidas (F00.RNO.RBIG.-154/07 et F00.RNO.RBIG-166/07) et le Secretaria de Gobernacion con Oficio (DICOPPU/211/1827/07).
Sources
Anderson, S. D. et K. J. Goldman. 1996. Preuve photographique des déplacements des requins blancs dans les eaux de Californie. California Fish and Game 82 : 182-186. Anderson, S. D., T. K. Chapple, S. J. Jorgensen, A. P. Klimley et B. A. Block. 2011. Identification individuelle sur le long terme des requins blancs, Carcharodon carcharias, grâce à leur nageoire dorsale et leur attachement à une zone, en Californie. Marine Biology doi : 10,1007/s00,,7-011-1643-5. Avise, J. C. 2000. Phylogeography : The history and formation of species. Cambridge, MA : Harvard University Press. Chapple, T. K., S. J. Jorgensen, S. D. Anderson, P. E. Kanive, A. P. Klimley, L. W. Botsford et B. A. Block. 2011. Une première estimation d’abondance de requins blancs, Carcharodon carcharias, en Centre Californie. Biology Letters 7 : 581-583. Domeier, M. L. et N. Nasby-Lucas. 2008. Modèle de migration des requins blancs Carcharodon carcharias marqués sur l’Île de Guadalupe au Mexique et identification d’une zone de recherche de nourriture partagée dans le Pacifique Est. Marine Ecology-Progress Series 370 : 221-237. Feldheim, K. A., S. H. Gruber et M. V. Ashley. 2004. La reconstruction de la filiation génotype microsatellite révèle une polyandrie et une philopatrie de la femelle chez les requins citron, Negaprion brevirostris. Evolution 58 : 2332-2342. Francis, M. P. 1996. Observations d’un requin blanc femelle gravide avec une analyse sur la biologie reproductive. Great white sharks : The biology of Carcharodon carcharias. San Diego, CA : Academic Press. Pp. 157-172. Galvan-Magana, F. E. M. Hoyos-Padilla, C. J. Navarro-Serment et F. Marquez-Farias. 2010. Enregistrements de requin blanc, Carcharodon carcharias, dans le Golfe de Californie au Mexique. Marine Biodiversity Records doi : 10,1017/S1755267210000977. Gubili, C., R. Johnson, E. Gennari, W. Oosthuizen, D. Kotze, M. Meÿer, D. Sims, C. Jones et L. Noble. 2009. Cohérence entre génétique et identification par photo d’aileron chez le grand requin blanc, Carcharodon carcharias, sur la Baie de Mossel en Afrique du Sud. Marine Biology 156 : 2199-2207. Jorgensen, S. J., C. A. Reeb, T. K. Chapple, S. Anderson, C. Perle, S. R. Van Sommeran, C. Fritz-Cope, A. C. Brown, A. P. Klimley et B. A. Block. 2010. Philopatrie et migration des requins blancs du Pacifique. Proceedings of the Royal Society B Biological Sciences 277 : 679-688. Klimley, A. P. 1985. La répartition de l’espace et l’auto-écologie des requins blancs, Carcharodon carcharias, sur la côte ouest d’Amérique du Nord. Memoirs of the Southern California Academy of Sciences 9 : 15-40. Martin, A. P., G. J. P. Naylor et S. R. Palumbi. 1992. Les taux d’évolution de l’ADN mitochondrial chez les requins sont plus faibles que chez les mammifères. Nature 357 : 153-155. Palumbi, S. R. 1994. Les différences génétiques, l’isolation reproductive et la spéciation marine. Annual Review of Ecology and Systematics 25 : 547-572. Pratt, H. L. et J. C. Carrier. 2001. Analyse du comportement reproductif des élasmobranches avec un cas étudié sur le requin nourrice, Ginglymostoma cirratum. Environmental Biology of Fishes 60 : 157-188.
Auteurs
Salvador J. Jorgensen Université de Stanford et Aquarium de Monterey Bay
Taylor K. Chapple Université de Californie à Davis
Scot Anderson Inverness en Californie
Mauricio Hoyos Centre Interdisciplinaire des Sciences Marines
Super prédateurs indispensables, les requins ont des rôles parfois insoupçonnés. Leur disparition entraînerait des conséquences terribles pour l’écosystème, et menacerait même la vie de nombreuses autres espèces. Pour rappel, pas moins de 17 espèces de requins et de raies sont actuellement considérées à risque d’extinction selon l’UICN.
Ces derniers jouent un rôle clef dans la vie des coraux, les aidant à se régénérer et même à leur fertilisation. Mais pas seulement. Ils participent également, en tant que régulateur des espèces, à maintenir une bonne production d’oxygène.
Les requins, fertilisateurs de coraux
Les déplacement des animaux entraînent un impact écologique positif et facilitent certains processus. C’est ce dont parle une étude menée par une équipe de chercheurs anglais et américains, publiée le 21 mars 2018 sur The Royal Society Publishing. Elle explique comment les déplacements des requins gris de récifs (Carcharhinus amblyrhynchos) jouent un rôle sur la fertilisation des coraux. Cette dernière a pris lieu dans l’Atoll Palmyra, non exploité du point de vue de la pêche, dans l’océan Pacifique Nord. Les requins y déposent des nutriments par l’intermédiaire de leurs déplacements entre la zone pélagique et le récif. Ce qui fertiliserait naturellement le corail. « Nous avons appliqué la théorie des réseaux à quatre années de données de télémétrie acoustique pour les requins gris (Carcharhinus amblyrhynchos) […] afin d’évaluer leur rôle potentiel dans la dynamique des éléments nutritifs dans cet écosystème éloigné », peut-on y lire.
La télémétrie évoquée ici, correspond en fait à une technique permettant la réalisation de projets sur de grandes distances géographiques. Les suivis sont alors en 2D et 3D. Cette étude menée sur les individus marqués, au niveau de la population, « suggère que la consommation de proies et leur déjections ultérieurs » entraînent un dépôt d’azote. Et pas des moindres. Ce serait en effet 94.5kg d’azote qui auraient été quotidiennement déposés autour de l’atoll. Ceci joue un rôle fertilisateur important. Un exemple de plus de l’importance fondamentale qu’ont les requins, au sein du réseau trophique marin au sommet de la chaîne alimentaire.
Une aide à la régénération
Une nouvelle fois, la disparition des requins aurait un impact au niveau du corail. En effet, par effet de cascade, s’il y a moins de requins il y aura moins de poissons herbivores. Et pour cause, ces derniers sont prédatés par les poissons carnivores, dont la population est régulée par les requins. Autrement dit, moins de requins = plus de poissons carnivores = moins de poissons herbivores. Or, ces derniers sont essentiels dans la reconstitution du corail. Quand il meurt, à cause d’un phénomène naturel (comme un cyclone par exemple) ou par des causes anthropiques, des algues viennent s’y fixer. Celles-ci « étouffent » le corail et l’empêchent de récupérer.
Un problème est également posé au moment de la fixation puis du développement des scléractiniaires (anciennement madréporaires). Des coraux de l’ordre scleractinia, qui regroupe les coraux durs. Les poissons herbivores dont il est question ici, mangent cette algue et permettent donc au corail une régénération. Ce qui ne serait plus possible si ces derniers venaient à disparaitre, décimés par les poissons carnivores qui seraient alors en surnombre. Une étude publiée en 2013, dans la revue PlusOne, en fait part. On y découvre que pour ce faire, les scientifiques ont utilisé des programmes de surveillance sur une durée de 10 ans. Ont été étudiés : « Les effets combinés des perturbations chroniques (élimination des requins) et des impulsions (cyclones, blanchiment) sur la structure trophique des poissons de récif corallien sur deux atolls isolés au large de la côte nord-ouest de l’Australie ».
Les preuves cohérentes quant à l’hypothèse selon laquelle la « perte des requins peut avoir un impact qui se propage dans la chaîne alimentaire » y sont apportées. Cette perte contribuerait potentiellement à la « libération de mésoprédateurs et modifier le nombre de consommateurs primaires ». Quant aux requins, « Étant donné que leur présence peut favoriser l’abondance d’herbivores, l’élimination des requins par la pêche a des conséquences sur les perturbations naturelles et anthropiques entraînant la perte de coraux, car les herbivores sont essentiels au progrès et au résultat du rétablissement du corail ».
Poumons verts, poumons bleus
Certes, c’est l’expression « poumons verts » de la planète qui est la plus entendue. Ceci dit, bien que les végétaux terrestres et les forêts produisent de l’oxygène, il en va de même pour l’océan. Ce, avec les phytoplanctons (autrement dit, les cyanobactéries et microalgues). Son étymologie en dit long. Le mot est en effet composé de « phyto », plante, et de « planktos », errante. Ces derniers vivent en effet en suspension. En plus d’être à la base de la chaîne alimentaire marine, il est donc un producteur d’oxygène.
En fait, le phytoplancton absorbe le CO2 et produit et rejette ensuite de l’oxygène quand il y a de la lumière. Il joue donc un rôle essentiel dans la production d’oxygène et fournirait à la planète au moins 50% de celui-ci (les chiffres varient selon les études). La surpêche et la disparition de requins auraient ici, encore une fois, des conséquences catastrophiques.
L’équation est simple, moins ou plus de top prédateurs entraînerait un écosystème perturbé ainsi que la prolifération et la disparition d’autres espèces. En bout de chaîne, nous retrouvons le plancton. Il est dont absolument indispensable de conserver les top prédateurs afin que l’équilibre soit conservé et que la production d’oxygène ne soit pas changée.
MH
The role of sharks in coral reefs and in oxygen production
Super predators, sharks sometimes have unsuspected roles. Their disappearance would have terrible consequences for the ecosystem, and would threaten the lives of many other species. As a reminder, no less than 17 species of sharks and rays are currently considered at risk of extinction according to IUCN. They play a key role in the life of corals, helping them regenerate and even fertilize them. But not only. They also participate, as a species regulator, in maintaining good oxygen production.
Sharks, coral fertilizers
Movement of animals has a positive ecological impact and facilitates certain processes. This is what a study by a team of British and American researchers, published March 21, 2018 on The Royal Society Publishing, discusses. She explains how the movements of gray reef sharks (Carcharhinus amblyrhynchos) play a role in coral fertilization. The latter took place in the Palmyra Atoll, not exploited from the fishing point of view, in the North Pacific Ocean. Sharks deposit nutrients through their movements between the pelagic zone and the reef. Which would naturally fertilize the coral. « We applied network theory to four years of acoustic telemetry data for gray sharks (Carcharhinus amblyrhynchos) […] to assess their potential role in nutrient dynamics in this remote ecosystem », we can read. The telemetry mentioned here, in fact corresponds to a technique allowing the realization of projects over large geographic distances. Tracks are then transmitted in 2D and 3D. This study conducted on individuals marked at the population level « suggests that the consumption of prey and their subsequent excrement » result in nitrogen deposition. This is indeed 94.5kg of nitrogen that would have been deposited daily around the atoll. This plays an important fertilizing role. One more example of the fundamental importance of sharks in the marine food web at the top of the food chain.
A help with regeneration
Once again, the disappearance of sharks would have an impact on corals. Indeed, by cascade effect, if there are fewer sharks there will be less herbivorous fish. And for good reason, these are predated by carnivorous fish, whose population is regulated by sharks. In other words, fewer sharks = more carnivorous fish = less herbivorous fish. However, these are essential in the coral re-establishment. When it dies, because of a natural phenomenon (like a cyclone for example) or by anthropogenic causes, algae come to settle there. These smother the coral and prevent it from recovering. A problem is also posed at the time of fixation and development of scleractinians (formerly madreporary). Corals of the order Scleractinia, which includes hard corals. The herbivorous fish in question here, eat this seaweed and thus allow the coral regeneration. Which would not be possible if they were to disappear, decimated by carnivorous fish that would then be in excess. A study published in 2013, in the journal PlusOne, is part of it. It reveals that to do this, scientists have used surveillance programs over a period of 10 years. The combined effects of chronic disturbances (shark removal) and impulses (cyclones, bleaching) on the trophic structure of coral reef fish on two isolated atolls off the north-west coast of Australia were studied. . Coherent evidence of the assumption that « shark loss can have an impact spreading through the food chain » is provided. This loss would potentially contribute to the « release of mesopolders and change the number of primary consumers ». As for sharks, « Given that their presence may favor the abundance of herbivores, the elimination of sharks by fishing has consequences for natural and anthropogenic disturbances resulting in the loss of corals, because herbivores are essential for progress and to the result of coral recovery « .
Green lungs, blue lungs
Certainly, it is the expression « green lungs » of the planet that is most heard. That said, although terrestrial plants and forests produce oxygen, the same goes for the ocean. This, along with phytoplankton (ie, cyanobacteria and microalgae). Its etymology speaks volumes. The word is indeed composed of « phyto », plant, and « planktos », wandering. They live in suspension. In addition to being at the base of the marine food chain, he is therefore an oxygen producer. In fact, phytoplankton absorb CO2 and then produce and release oxygen when there is light. It plays a vital role in the production of oxygen and provides the planet at least 50% of it (the figures vary depending on the studies). Overfishing and the disappearance of sharks would have, here again, catastrophic consequences. The equation is simple, fewer or more top predators would result in a disrupted ecosystem as well as the proliferation and disappearance of other species. At the end of the chain, we find the plankton. It is absolutely essential to keep the top predators so that the balance is preserved and the oxygen production is not changed.
L’IPBES (groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité), a récemment donné l’alerte dans un rapport historique. Ce document est le plus exhaustif réalisé à ce jour et s’appuie sur l’évaluation historique des écosystèmes pour le millénaire (Millenium Ecosystem Assessment) de 2005 et introduit de nouveaux moyens pour l’évaluation des preuves.
Dans celui-ci, on apprend que les 3/4 de l’environnement terrestre et environ 66% du milieu marin ont été significativement modifiés par l’action humaine. En moyenne, ces tendances ont été moins graves ou évitées dans les zones qui appartiennent ou qui sont gérées par des peuples autochtones et des populations locales.
Environ 1 million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction, ce qui représente 1 espèce sur 8. Sir Robert Watson, président de l’IPBES, souligne qu’il «n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial».
Un rapport historique et complet
Ca n’est pas moins de 145 experts en provenance de 50 pays qui ont élaboré ce rapport au cours des trois dernières années. Des contributions additionnelles ont été également apportées par 310 autres experts. Pour la première fois à une telle échelle, le rapport s’appuie également sur les savoirs autochtones et locaux. Il évalue en fait les changements ayant eu lieu durant les cinquante dernières années et met en lumière la relation entre les trajectoires du développement économique et leur impact sur la nature. Pour ce faire, environ 15.000 références scientifiques et sources gouvernementales ont été utilisées. Le million d’espèces animales et végétales menacées en question, le serait d’autant plus lors des prochaines décennies. Chose qui ne serait encore jamais arrivée dans l’histoire de l’humanité. « Les écosystèmes, les espèces, les populations sauvages, les variétés locales de plantes et les races locales d’animaux domestiques diminuent, se réduisent ou disparaissent. Le tissu vivant de la Terre, essentiel et interconnecté, se réduit et s’effiloche de plus en plus », ajoute le professeur Joseph Settele. Les auteurs de l’évaluation ont, pour la première fois à une aussi grande échelle en se basant sur une analyse approfondie des données disponibles, établi les cinq facteurs directs de changement qui affectent la nature et ayant le plus fort impact mondialement parlant. On découvre alors, par ordre décroissant :
Les changements d’usage des terres et de la mer;
L’exploitation directe de certains; organismes;
Le changement climatique;
La pollution;
Les espèces exotiques envahissantes.
Malgré les progrès en terme de réalisation pour la conservation de la nature et la mise en oeuvre des politiques en sa faveur, le rapport met également en lumière le fait que les trajectoires actuelles ne permettent pas d’atteindre les objectifs mondiaux de conservation et d’exploitation durable de la nature. Les objectifs pour 2030 et au-delà ne pourraient être atteints que par un changement transformateur dans les domaines de la politique, de la technologie, de l’économie et de la société.
Un important impact sur la biodiversité marine
La biodiversité marine est particulièrement touchée par le déclin annoncé. Le rapport précise que 267 espèces sont concernées. En effet, près de 33% des récifs coralliens, des requins et des espèces proches, ainsi que plus d’1/3 des mammifères marins sont menacés. Quant à la pêche, 33% des stocks de poissons marins en 2015 étaient exploités à un niveau biologiquement non durable, 60% étaient exploités au maximum et 7% étaient sous-exploités.
La pollution représente un problème important, effectivement, « Environ 300-400 millions de tonnes de métaux lourds, solvant, boues toxiques et autres déchets issus des sites industriels sont déversés chaque année dans les eaux du monde. Et les engrais qui arrivent dans les écosystèmes côtiers ont produit plus de 400 ‘zones mortes’ dans les océans, ce qui représente environ 245000km carrés, soit une superficie totale plus grande que le Royaume-Uni », indique l’IPBES. Notons également que la pollution plastique a été multipliée par 10 depuis 1980.
Rappelons tout de même qu’au moins 1 800 milliards de déchets plastiques polluent les océans. De nombreux organismes et associations essaient de lutter ou au moins de comprendre d’où les flux de plastique proviennent (comme lors de la nouvelle expédition Tara Oceans, lancée le 23 mai) afin de savoir où agir. Le rapport de l’IPBES présente également une liste d’actions possibles qui seront les plus aptes à soutenir le développement durable. Celle-ci concerne l’agriculture, les écosystèmes d’eau douce, les zones urbaines et les écosystèmes marins. Pour ces derniers, on trouve « des approches écosystémiques de la gestion des pêches; l’aménagement du territoire; des quotas efficaces; des zones marines protégées; la protection et la gestion des zones clés de la biodiversité marine; la réduction de la pollution par ruissellement dans les océans et une étroite collaboration avec les producteurs et les consommateurs ».
Quant aux requins, l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) sortait il y a quelques mois un rapport, également alarmant. Celui-ci concernait l’état de conservation des requins. Nous apprenions alors que 17 des 58 espèces étudiées sont désormais classées à risque d’extinction. Il est bon de rappeler le chiffre de 100 millions, qui correspond au nombre de requins tués par an et pour lesquels il est nécessaire d’agir, compte tenu de leur importance capitale en tant que super prédateur.
Un exemple de réussite
Grâce à des mesures prises et à l’alliance de plusieurs savoirs, des espèces vouées à l’extinction ont pu être sauvées. C’est notamment le cas du pirarucu (Arapaima gigas). Ce poisson géant est le plus grand poisson d’eau douce. Il peuple les eaux d’Amazonie. Le pirarucu peut mesurer jusqu’à 3 mètres de long et peser jusqu’à 200 kg. Pour ce faire, un programme scientifique de l’Institut Mamirauá (organisation sociale créée et supervisée par le Ministère de la science, de la technologie, de l’innovation et de la communication qui fête cette année 20 ans de fonctionnement) a été réalisé en symbiose avec les populations locales. Si cette espèce faisait partie intégrante du régime alimentaire des riverains, elle a connue un dangereux déclin lié à l’intensification de l’activité dans la forêt, les progrès technologiques des bateaux et la production de glace, qui a offert un stockage plus long des poissons. Le pirarucu a un système respiratoire complexe, qui le force à remonter à la surface pour respirer toutes les 20 minutes. Si cela montre un caractère pratique dans le cadre de la pêche, il l’a également été dans le cadre du programme de préservation. En effet, c’est de cette manière qu’ils ont pu être comptabilisés par un groupe de pêcheurs, créé pour l’occasion. Une pêche durable, basée sur les quotas établis à partir du nombre de poissons recensés l’année précédente, a été appliquée dans les zones des réserves. Suite à cette mise en place, la population des poissons est passée de 2507 spécimens en 1999 à 190.523 en 2018. La période de reproduction a été respectée et la pêche autorisée seulement de juillet à novembre. En plus d’avoir joué un rôle indispensable dans la survie de l’espèce, cette gestion a un aspect économique intéressant puisqu’elle a rapporté 1,56 million de réais (350.000€) aux régions de Miramauá et Amanã. La somme a ensuite été répartie entre plus de 700 pêcheurs. Pour Emiliano Ramalho, directeur technique et scientifique de l’Institut Mamirauá, cette histoire est un bon résumé de l’alliance entre les différents savoirs : « Celui entre un chercheur venu de l’extérieur pour aider une espèce menacée et le savoir traditionnel des pêcheurs locaux ». Il est également bon de noter que le risque d’extinction des mammifères et oiseaux dans 109 pays a été réduit de 29% (moyenne) grâce aux investissements pour la conservation réalisés de 1996 à 2008. Le risque d’extinction des oiseaux, des mammifères et les amphibiens aurait été d’au moins 20% sans cette action de conservation au cours des dernières décennies. Aussi, n’oublions pas qu’environ 16.000 nouvelles espèces sont découvertes chaque année !
Il est encore temps d’agir
Selon Sir Robert Watson, « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ». Seulement il n’est pas trop tard pour agir, à condition qu’un changement dit « transformateur », radical ait lieu. Ce, du local au mondial. « La nature peut encore être restaurée et utilisée de manière durable – ce qui est également essentiel pour répondre à la plupart des autres objectifs mondiaux. Par ‘changement transformateur’, on entend un changement fondamental à l’échelle d’un système, qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques et sociaux, y compris en terme de paradigmes, objectifs et valeurs », souligne-t-il.
La plateforme affirme, dans son communiqué de presse, que « Les États membres de la plénière de l’IPBES ont reconnu que, par sa nature même, un changement transformateur peut susciter une opposition de la part de ceux qui ont des intérêts attachés au statu quo, mais également que cette opposition peut être surmontée pour le bien de tous ». Le rapport présente plusieurs exemples d’actions en faveur du développement durable et le chemin pour les mettre en oeuvre dans des secteurs tels que les écosystèmes marins, les zones urbaines, l’énergie, la foresterie, les écosystèmes d’eau douce, les finances… Pour créer une économie mondiale durable, l’évolution des systèmes financiers et économiques mondiaux a été identifiée comme un « élément clé des politiques futures plus durables ». Secrétaire exécutive de l’IPBES, la Docteure Anne Larigauderie a annoncé « l’IPBES présente aux décideurs une base scientifique fiable, les connaissances et les options stratégiques pour qu’ils les analysent ».
MH
On Monday, May 6th, the IPBES (UN Expert Group on Biodiversity), issued the alert in a historic report. This is the most comprehensive document to date and builds on the 2005 Millennium Ecosystem Assessment and introduces new ways to evaluate evidence. In this document, we learn that 3/4 of the terrestrial environment and about 66% of the marine environment have been significantly modified by human action. On average, these trends have been less severe or avoided in areas owned or managed by indigenous peoples and local populations. About 1 million plant and animal species are at risk of extinction, representing 1 in 8 species. Sir Robert Watson, President of IPBES, stresses that « it is not too late to make a difference, but only if we start now at every level from local to global »
A historical and complete report
No less than 145 experts from 50 countries have produced this report over the last three years. Additional contributions were also made by 310 other experts. For the first time on such a scale, the report also draws on indigenous and local knowledge. In fact, it evaluates the changes that have taken place over the last fifty years and highlights the relationship between the trajectories of economic development and their impact on nature. To do this, about 15,000 scientific references and government sources were used. The million endangered plant and animal species in question would be even more so in the coming decades. Something that has never have happened in the history of humanity. « Ecosystems, species, wild populations, local varieties and breeds of domesticated plants and animals are shrinking, deteriorating or vanishing. The essential, interconnected web of life on Earth is getting smaller and increasingly frayed», adds the Professor Josef Settele. The authors of the evaluation, for the first time on such a large scale based on an in-depth analysis of the available data, gave the five direct drivers of change that affect nature and have the greatest impact worldwide. We discover then, in descending order, they are: 1- Changes in land and sea use; 2 – The direct exploitation of some; organizations; 3 – Climate change; 4 – Pollution; 5 – Invasive alien species. Despite the progress in terms of implementation for nature conservation and the implementation of policies in its favor, the report also highlights the fact that current trajectories do not achieve the global conservation and conservation goals. sustainable exploitation of nature. The goals for 2030 and beyond could only be achieved through transformative change in the fields of politics, technology, the economy and society.
A major impact on marine biodiversity
Marine biodiversity is particularly affected by the announced decline. The report states that 267 species are concerned. Nearly 33% of coral reefs, sharks and related species, and more than 1/3 of marine mammals are threatened. As for the fishery, 33% of the marine fish stocks in 2015 were exploited at a biologically unsustainable level, 60% were exploited at maximum and 7% were under exploited. Pollution is a major problem, indeed, « Plastic pollution has increased tenfold since 1980, 300-400 million tons of heavy metals, solvents, toxic sludge and other wastes from industrial facilities are dumped annually into the world’s waters, and fertilizers entering coastal ecosystems have produced more than 400 ocean ‘dead zones’, totalling more than 245,000 km2 (591-595) – a combined area greater than that of the United Kingdom. », indicates the IPBES. It should also be noted that plastic pollution has increased tenfold since 1980. Let’s not forget that at least 1,800 billion plastics waste pollutes the oceans. Many organizations and associations try to struggle or at least understand where the plastic flows come from (as in the new Tara Oceans expedition, launched May 23) to find out where to act. The IPBES report also presents a list of possible actions that will best support sustainable development. This concerns agriculture, freshwater ecosystems, urban areas and marine ecosystems. For the latter, we find « ecosystem approaches to fisheries management; territory planning; effective quotas; protected marine areas; protection and management of key areas of marine biodiversity; the reduction of runoff pollution in the oceans and close collaboration with producers and consumers ». As for sharks, the IUCN (International Union for the Conservation of Nature) released a report a few months ago, which is also alarming. This concerned the conservation status of sharks. We learned that 17 of the 58 species studied are now classified as at risk of extinction. It is good to remember the figure of 100 million, which corresponds to the number of sharks killed per year and for which it is necessary to act, given their crucial importance as a super predator.
An example of success
Thanks to the measures taken and to the alliance of several knowledges, endangered species have been saved. This is particularly the case of pirarucu (Arapaima gigas). This giant fish is the largest freshwater fish. He populates the waters of Amazonia. The pirarucu can measure up to 3 meters long and weigh up to 200 kg. To this end, a scientific program of the Mamirauá Institute (a social organization created and supervised by the Ministry of Science, Technology, Innovation and Communication, which celebrates 20 years of operation this year) was carried out in symbiosis with local people. If this species was an integral part of the riparian diet, there was a dangerous decline due to the intensification of activity in the forest, the technological progress of the boats and the production of ice, which offered a longer storage of fish. The pirarucu has a complex respiratory system, which forces it to rise to the surface to breathe every 20 minutes. If it is practical in the context of the fishery, it has also been in the context of the preservation program. Indeed, it is in this way that they could be counted by a group of fishermen, created for the occasion. Sustainable fishing, based on quotas based on the number of fish recorded the previous year, has been applied in reserve areas. Following this establishment, the fish population has increased from 2507 specimens in 1999 to 190,523 in 2018. The breeding season has been respected and fishing allowed only from July to November. In addition to having played an indispensable role in the survival of the species, this management has an interesting economic aspect since it brought 1.56 million reais (350,000 €) to the regions of Miramauá and Amanã. The sum was then divided among more than 700 fishermen. For Emiliano Ramalho, technical and scientific director of the Mamirauá Institute, this story is a good summary of the alliance between the different types of knowledge: « The one between a searcher coming from outside to help a threatened species and the traditional knowledge of the local fishermen ». It is also worth noting that the extinction risk of mammals and birds in 109 countries has been reduced by 29% (average) thanks to the conservation investments made from 1996 to 2008. The risk of extinction of birds, mammals and amphibians would have been at least 20% without this conservation action in recent decades. Also, let’s not forget that about 16,000 new species are discovered each year!
There is still time to act
According to Sir Robert Watson, « We are eroding the very foundations of our economies, livelihoods, food security, health and quality of life worldwide. ». Only, it is not too late to act, provided that a change called « transformative » radically takes place. This, from local to global. « Through ‘transformative change’, nature can still be conserved, restored and used sustainably – this is also key to meeting most other global goals. By transformative change, we mean a fundamental, system-wide reorganization across technological, economic and social factors, including paradigms, goals and values », He says. He pursues : « The member States of IPBES Plenary have now acknowledged that, by its very nature, transformative change can expect opposition from those with interests vested in the status quo, but also that such opposition can be overcome for the broader public good ». The report presents a number of examples of actions for sustainable development and the way to implement them in areas such as marine ecosystems, urban areas, energy, forestry, freshwater ecosystems, finance … To create a sustainable global economy, the evolution of global financial and economic systems has been identified as a « key element of more sustainable future policies ». Executive Secretary of IPBES, Dr Anne Larigauderie announced : «IPBES presents the authoritative science, knowledge and the policy options to decisionmakers for their consideration ».
Commentaires récents